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Le droit OHADA et le droit international privé : les règles d’applicabilité du droit uniforme

Le droit OHADA et le droit international privé : les règles d’applicabilité du droit uniforme Introduction 1. Système juridique OHADA: bilan. Le système juridique créé par l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) a, jusqu’à ce jour, produit un certain nombre de normes juridiques matérielles et – plus rarement – processuelles destinées à uniformiser le droit des affaires dans un certain nombre de pays africains. De multiples études ont déjà été consacrées au bilan normatif et institutionnel de ce système juridique1. 2. Coexistence du système juridique OHADA avec d’autres systèmes de droit. Un système juridique – quel qu’il soit – doit coexister avec d’autres systèmes de droit. Si l’on s’en tient au droit OHADA, les principaux systèmes avec lesquels il doit organiser sa coexistence sont les systèmes juridiques supranationaux d’intégration dans lesquels un certain nombre d’États membres de l’OHADA sont engagés, les droits nationaux des États membres et les systèmes de droit des États tiers à l’OHADA. 3. Identification des autres systèmes. La présente étude n’envisagera pas les questions soulevées par l’articulation du système juridique de l’OHADA avec les droits supranationaux d’intégration régionale, auxquels sont parties la plupart des États de l’OHADA, aussi bien en Afrique de l’ouest qu’en Afrique centrale2. S’agissant de l’articulation entre le droit commun et les droits des États parties, l’OHADA l’a envisagée en utilisant le mécanisme classique de l’application immédiate et directe des normes communes ainsi que celui de la primauté du droit commun sur le droit national3. Quant aux rapports que le droit OHADA entretient avec les systèmes juridiques des États tiers à l’organisation, ils sont quasiment absents du droit produit jusqu’à ce jour par l’organisation. L’OHADA est ainsi un système quasiment dépourvu de normes régissant ses relations avec les systèmes juridiques des États tiers à l’organisation. 4. Nécessité de l’articulation entre le droit OHADA et les autres systèmes juridiques. En n’ayant produit aucune règle organisant la diversité du droit OHADA par rapport aux autres droits, l’OHADA donne ainsi la fausse impression qu’un système ayant pour objet d’uniformiser certains aspects du droit entre certains États n’a plus besoin du droit international privé. C’est inexact, même dans les relations que le droit OHADA entretient avec les droits des États parties. Ça l’est a fortiori s’agissant des droits des États tiers à l’organisation. S’agissant des relations entre le droit commun et les systèmes juridiques nationaux des États parties, les lacunes – volontaires ou involontaires – du droit OHADA impliquent nécessairement que les normes communes soient complétées par le droit national compétent. Or, si la relation n’est pas exclusivement interne à un État membre mais présente des liens avec plusieurs États parties, le droit OHADA ne peut faire abstraction de règles désignant le droit national compétent4. S’agissant des relations avec les systèmes juridiques tiers à ceux des États membres, il faut constater que le droit OHADA n’a, jusqu’à ce jour5, marqué quasiment aucun intérêt à l’endroit des conflits de lois. 5. Plan. La question des conflits de lois pose le problème de la coexistence et de la coordination d’un système de droit par rapport aux autres droits dès lors que la situation à régir est traversée par le phénomène de la frontière ou, en termes davantage juridiques, empreinte d’éléments d’extranéité. On sait que cette question est susceptible d’être abordée de deux manières. L’une envisage la question sous l’angle des critères d’applicabilité du seul droit du for ; l’autre envisage le droit – celui du for ou n’importe quel droit étranger – rationnellement applicable à la situation au moyen d’une règle de rattachement de type savignien. On aura reconnu dans la première approche la méthode unilatéraliste et dans la seconde la méthode bilatéraliste. Le droit uniforme africain se rattache manifestement à la première méthode puisqu’on verra qu’il se limite essentiellement à la formulation de quelques règles d’applicabilité du seul droit uniforme de l’OHADA, dont on examinera le contenu et la nature (I) avant de s’interroger sur leur portée par rapport aux règles de droit international privé des États membres (II). I. Contenu et nature des règles d’applicablité du droit OHADA 6. Portée de l’uniformisation du droit par l’OHADA. Le droit OHADA, outre un certain nombre de règles processuelles, est essentiellement constitué de règles matérielles uniformes. Lorsque plusieurs États décident d’uniformiser une partie de leur droit, ils limitent généralement la portée de cette uniformisation aux seules relations internationales. Tel est le cas de la plupart des conventions internationales de droit privé portant unification de tel ou tel régime juridique6. Les règles ainsi créées sont alors des règles (internationales) de droit international privé matérielles puisqu’elles ne sont applicables qu’aux seules situations internationales à l’exclusion des situations purement internes. Le droit des États ayant procédé à l’unification est alors, pour les situations visées par l’unification, dédoublé en un droit national non unifié applicable aux situations internes et le droit unifié pour les situations internationales. L’OHADA n’a pas limité la portée du droit unifié aux seules situations internationales ; l’unification porte sur l’ensemble des situations de sorte que les règles matérielles uniformes prennent la place du droit interne de chacun des États qui est alors abrogé7. En conséquence, les règles matérielles des actes uniformes ne sont pas des règles de droit international privé matérielles mais des règles matérielles ordinaires. Lorsque le droit unifié est constitué de règles de droit international privé matérielles, donc applicables aux seules situations internationales, il est obligé de définir les situations internationales qu’il régit, fixant par là même les règles d’applicabilité du droit unifié8. C’est ainsi, par exemple, que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 contient une règle d’applicabilité fondée sur une définition de la vente internationale au sens de la convention, à savoir celle dans laquelle les parties sont établies dans des États contractants différents9. Le droit uniforme africain, dans la mesure où il ne s’applique pas qu’aux seules situations internationales, n’était pas nécessairement tenu de fixer des règles d’applicabilité10 de ses normes matérielles. Il a cependant tenu à fixer de telles règles dont on examinera d’abord le contenu (A) ; l’exposé de ces règles permettra ensuite d’émettre quelques observations sur leur nature (B). A. Présentation des règles d’applicabilité du droit uniforme de l’OHADA 7. Objet des règles d’applicabilité. Les règles d’applicabilité du droit OHADA ont pour objet la délimitation du domaine spatial des règles communes. Outre les situations purement internes toujours régies par le droit OHADA, certaines règles d’applicabilité visent des situations internationales totalement ou partiellement rattachées à l’espace constitué de celui des États membres. 8. Droit commercial général: statut des commerçants et entreprenants. L’article 1er alinéa 1er de l’acte uniforme du 15 décembre 2010 sur le droit commercial général définit l’applicabilité générale des dispositions qu’il contient par rapport à la localisation de l’établissement ou du siège social dans un État de l’OHADA du commerçant – personne physique ou morale. Ainsi, il dispose que « tout commerçant, personne physique ou morale […] ainsi que tout groupement d’intérêt économique dont l’établissement ou le siège social est situé sur le territoire de l’un des États parties au traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique […] est soumis aux dispositions du présent acte uniforme ». L’alinéa 2 du même article soumet aux dispositions de l’acte uniforme « les personnes physiques qui ont opté pour le statut d’entreprenant ». Bien que le texte ne le mentionne pas expressément, il ne peut s’agir que de l’entreprenant exerçant son activité professionnelle, civile, commerciale, artisanale ou agricole sur le territoire de l’un des États de l’OHADA11. Le critère d’applicabilité du droit commercial général ne vise donc que les professionnels, commerçants ou entreprenants, établis sur le territoire d’un État membre parce qu’ils y possèdent leur établissement principal ou une succursale. Ainsi, seul le lieu d’établissement – principal ou secondaire – des professionnels – sans considération de leur nationalité – est pris en compte pour l’applicabilité des dispositions de droit commercial général. Pour ce qui est de la partie du droit commercial général portant sur le statut des commerçants et des entreprenants (obligations comptables, immatriculation, déclaration d’activité), cette sphère d’applicabilité ne pose pas de problème. Elle implique que le statut des commerçants et le statut dérogatoire des entreprenants s’appliquent à tous les commerçants immatriculés au Registre du commerce et du crédit mobilier et à tous les entreprenants ayant procédé à leur déclaration d’activité au même registre d’un des États de l’OHADA. Par contre, cette sphère d’applicabilité est plus problématique s’agissant des activités menées par le commerçant ou l’entreprenant. Certes, pour les commerçants ou entreprenants menant leurs activités dans un cadre exclusivement interne ou exclusivement rattachées à l’espace constitué de celui des États membres, les dispositions de l’acte uniforme portant sur les activités du commerçant ou de l’entreprenant – on pense en particulier aux dispositions sur la vente – pourront facilement trouver à s’appliquer. La sphère d’applicabilité de ces dispositions correspondra d’ailleurs avec les règles spéciales d’applicabilité relatives à la vente commerciale12. Il est, cependant, possible qu’un commerçant ou un entreprenant mène une partie de ses activités hors du territoire de l’un des États de l’OHADA, par exemple en achetant ou vendant des marchandises hors de l’espace OHADA. Dans ce cas, la règle d’applicabilité générale de l’article 1er de l’acte uniforme sur le droit commercial général doit être écartée au profit de la règle spéciale d’applicabilité portant sur la vente commerciale. Celle-ci ne vise, en principe, que les ventes internes ou « intracommunautaires », le caractère intracommunautaire étant défini par les sièges des contractants situés dans des États parties différents. En conséquence, une vente ivoiro-brésilienne conclue par un acheteur commerçant établi en Côte d’Ivoire et un vendeur commerçant établi au Brésil ne relèvera pas de la règle d’applicabilité générale contenue à l’article 1er de l’acte uniforme mais de celle contenue à l’article 234 dudit acte13. 9. Droit commercial général: vente commerciale. L’article 234 alinéa 2 de l’acte uniforme sur le droit commercial général contient des règles d’applicabilité des dispositions uniformes sur la vente commerciale. En disposant que « le contrat de vente commerciale est soumis aux dispositions du présent livre dès lors que les contractants ont le siège de leurs activités dans un des États parties… », le droit uniforme africain de la vente commerciale vise incontestablement les ventes purement internes. En outre, cette disposition doit, a fortiori, viser des ventes internationales parce que les contractants ont le siège de leurs activités dans des États parties différents. On reconnaît dans cette disposition une adaptation de la règle d’applicabilité de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises14. On pourrait en déduire que les ventes internationales régies par le droit OHADA sont des ventes exclusivement intracommunautaires15. L’affirmation est exacte si l’on s’en tient aux seuls sièges des contractants nécessairement situés dans des États de l’OHADA. Par contre, l’affirmation n’est plus exacte si un autre élément d’extranéité de la vente, conclue entre des contractants tous deux situés dans l’espace OHADA, est situé hors de cet espace. On peut songer par exemple à une vente dont l’acheteur et le vendeur sont domiciliés dans des États de l’OHADA mais dont la livraison doit s’effectuer hors de cet espace ou dont le prix est réglé hors dudit espace. Dans une telle situation, le droit OHADA s’applique à une vente internationale dont tous les éléments localisateurs ne sont pas situés dans l’espace OHADA. Tout comme dans la Convention de Vienne du 11 avril 1980, cette règle d’applicabilité du droit uniforme africain de la vente est complétée par une disposition rendant également applicable le droit unifié « lorsque les règles du droit international privé mènent à l’application de la loi d’un État partie ». Ceci permet d’étendre le champ d’application du droit uniforme aux ventes non régies par le droit uniforme en vertu de la règle d’applicabilité dès lors que les règles de droit international privé – par exemple, la loi d’autonomie ou une règle objective subsidiaire de rattachement de l’État du for – désignent le droit d’un État partie. En conséquence, alors que la règle d’applicabilité limite l’applicabilité du droit OHADA de la vente commerciale aux seules ventes internes ou internationales dans lesquelles les contractants ont leur siège dans des États de l’OHADA, la réintroduction de la technique conflictuelle – et par conséquent d’une règle de conflit qui peut avoir un caractère bilatéral – permet d’étendre l’application du droit OHADA à des ventes commerciales internationales non couvertes par la règle d’applicabilité. 10. Droit commercial général: intermédiation commerciale. L’article 172 de l’acte uniforme sur le droit commercial général définit l’applicabilité des règles uniformes sur les intermédiaires ce commerce de façon quelque peu elliptique en disposant qu’elles s’appliquent « même si le représenté ou le tiers visé à l’article 169 [le tiers avec lequel le représentant conclut un acte juridique pour le compte du représenté] ont leurs établissements dans des États différents de ceux signataires du présent acte uniforme dès lors : a) que l’intermédiaire est inscrit au Registre du commerce et du crédit mobilier de l’un des États parties ; b) ou que l’intermédiaire agit sur le territoire de l’un des États parties ». Il faut déduire implicitement de cette règle que les dispositions uniformes s’appliquent d’abord si tous les éléments localisateurs de la situation – territoire d’action du représentant, établissements du représentant et du tiers avec lequel l’intermédiaire agit pour le compte du représenté – sont situés dans un – intermédiation interne – ou plusieurs États parties – intermédiation internationale mais intracommunautaire. En outre, les dispositions uniformes s’appliquent également si le représenté ou le tiers, avec lequel l’intermédiaire de commerce agit, a son domicile hors de l’espace constitué des États de l’OHADA, pourvu que l’intermédiaire puisse être localisé dans ledit espace soit parce qu’il est inscrit au Registre du commerce et du crédit mobilier de l’un des États de l’OHADA, soit parce qu’il agit sur le territoire de l’un de ces États. Le critère déterminant d’applicabilité du droit OHADA de l’intermédiation commerciale est ainsi le lieu d’activité de l’intermédiaire. Il présente des analogies certaines avec le lieu de résidence du débiteur de la prestation caractéristique fréquemment retenu en droit international privé des contrats. En outre, tout comme en matière de vente commerciale, cette disposition est complétée par le recours à la technique conflictuelle pour étendre le champ spatial d’application des dispositions uniformes. En effet, l’article 172.c prévoit l’application du droit uniforme de l’intermédiation commerciale lorsque « les règles du droit international privé conduisent à l’application du présent acte uniforme », ce qui implique que les règles conflictuelles ont désigné la loi d’un État partie à l’organisation. 11. Transport. L’article 1.1 de l’acte uniforme relatif au contrat de transport de marchandises par route contient une règle d’applicabilité directement inspirée de la convention portant sur le transport international des marchandises par route (C.M.R.) du 19 mai 1956. En effet, les dispositions uniformes sont applicables dès lors que « le lieu de prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour la livraison, tels qu’ils sont indiqués au contrat, sont situés soit sur le territoire d’un État membre de l’OHADA, soit sur le territoire de deux États différents dont l’un au moins est membre de l’OHADA » (art. 1.1). La même disposition précise que « l’acte uniforme s’applique quels que soient le domicile et la nationalité des parties au contrat de transport ». Alors que le premier critère d’applicabilité recouvre un transport interne (lieu de prise en charge et lieu de livraison situés sur le territoire d’un État partie), le deuxième permet d’y inclure des transports internationaux exclusivement intracommunautaires, parce que les lieux de prise en charge et de livraison sont situés dans deux États parties et partiellement extracommunautaires, ou parce que le lieu de prise en charge ou de livraison de la marchandise est situé dans un État tiers à l’OHADA. 12. Arbitrage. L’article 1er de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage du 23 novembre 201716, en disposant que « le présent acte uniforme a vocation à s’appliquer à tout arbitrage lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l’un des États parties », pose la règle d’applicabilité du droit uniforme africain de l’arbitrage. Celle-ci est fondée sur la notion de siège du tribunal arbitral. La notion de siège a un caractère ambigu17. On peut y voir un lieu – conception territorialiste du siège – ou un régime juridique choisi par les parties pour régir leur arbitrage – conception volontariste ou autonomiste du siège. Le fait que l’acte uniforme utilise, pour situer le siège, le verbe « se trouve » et que le siège est défini par rapport au tribunal arbitral – et non à l’arbitrage – peut faire penser que les rédacteurs de l’acte ont eu en vue la conception territorialiste du siège. Dans un arrêt du 6 décembre 2011, la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) retient d’ailleurs cette conception territorialiste. En effet, elle casse un arrêt de la Cour d’appel de Douala du 4 juillet 2005 qui, en appliquant les dispositions de l’acte uniforme sur l’arbitrage, avait annulé une sentence arbitrale rendue à Londres. La CCJA relève que ladite Cour d’appel « en appliquant l’acte uniforme à un cas qui manifestement n’est pas dans son champ a violé l’article visé au moyen [art. 1er de l’acte uniforme sur l’arbitrage] ». La CCJA ne retient que le siège territorial de l’arbitrage situé à Londres sans chercher à savoir si les parties à l’arbitrage rendu à Londres n’avaient pas choisi l’acte uniforme comme « siège juridique » de leur arbitrage18. Ainsi entendu, le droit uniforme africain de l’arbitrage n’aurait alors vocation à s’appliquer qu’à l’arbitrage interne à l’espace OHADA, le caractère interne étant défini par rapport au siège territorial du tribunal arbitral dans un État de l’OHADA. On sait cependant que, dans le domaine de l’arbitrage, la nature de l’arbitrage est aussi définie par le caractère du litige tranché par le tribunal arbitral. En effet, l’internationalité du litige – définie tantôt de manière juridique, tantôt par référence à des facteurs économiques telle la mise en jeu des intérêts du commerce international – est fréquemment utilisée pour définir l’internationalité de l’arbitrage. Inversement, le fait que le litige n’a aucun caractère international au sens du droit international privé confère à l’arbitrage un caractère interne. Le droit OHADA de l’arbitrage OHADA a ainsi vocation à s’appliquer à l’arbitrage interne et à l’arbitrage international ainsi définis. En conséquence, le droit uniforme africain de l’arbitrage pourrait, en vertu de la règle d’applicabilité, s’appliquer à des arbitrages internationaux, le caractère international étant alors défini par rapport à la nature internationale au sens du droit international privé du litige tranché par les arbitres. 13. Sociétés commerciales. L’article 1er de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d’intérêt économique soumet aux dispositions qu’il contient « toute société commerciale […] dont le siège social est situé sur le territoire de l’un des États parties… ». Le critère d’applicabilité du droit uniforme est ainsi constitué du siège social. Le siège social doit s’entendre tel qu’il est défini à l’article 24 dudit acte, à savoir « au choix des associés, soit au lieu du principal établissement de la société, soit à son centre de direction administrative et financière ». Le même critère est utilisé pour les sociétés coopératives19 et pour les dispositions OHADA sur le droit comptable20. Cette disposition doit être corrélée avec deux autres dispositions qui confèrent aux dispositions du droit commun des sociétés commerciales un caractère exclusif au sein de l’espace OHADA. Ainsi, l’article 3 du même acte prévoit que « toutes personnes, quelle que soit leur nationalité, désirant exercer en société, une activité commerciale sur le territoire de l’un des États parties, doivent choisir l’une des formes de société […] parmi celles prévues par le présent acte uniforme ». L’article 120 prévoit que la succursale d’une société étrangère « doit être apportée à une société de droit, préexistante ou à créer, de l’un des États parties, deux ans au plus tard après sa création, à moins qu’elle ne soit dispensée de cette obligation par un arrêté du ministre chargé du commerce de l’État partie dans lequel elle est située ». Aucune place n’est accordée, sur le territoire des États de l’OHADA, aux sociétés constituées selon la loi d’un État étranger et régies selon la loi de cet État. Seule leur succursale installée dans un État de l’OHADA peut y exercer une activité pendant un temps limité sauf dérogation accordée par arrêté ministériel. Ceci implique que le droit OHADA entend assurer l’exclusivité des dispositions qu’il contient relativement au droit des sociétés pour toutes les activités économiques exercées sous une forme sociétaire dans l’espace OHADA. Ces dispositions ont pour effet d’écarter l’application des lois étrangères relatives aux sociétés constituées à l’étranger et qui connaissent le système – très répandu en droit comparé – de l’incorporation. En effet, une société constituée dans un pays utilisant le système de l’incorporation et donc tirant son existence et sa personnalité juridique de la loi de ce pays et, en outre, soumise, d’après la loi de ce pays, à la législation dudit pays, ne pourra exercer aucune activité permanente dans un État de l’OHADA si elle ne crée pas, dans un premier temps, une entité dépourvue de la personnalité juridique et, dans un délai de deux ans après cette création, une personne morale conformément au droit OHADA des sociétés commerciales. B. Nature des règles d’applicabilité du droit uniforme de l’OHADA 14. Règles d’applicabilité et unilatéralisme. Les règles d’applicabilité du droit OHADA s’inscrivent incontestablement dans une approche unilatéraliste du droit international privé. On sait en effet que l’unilatéralisme pose comme principe qu’il revient à la loi du for de fixer sa sphère d’applicabilité. Or, c’est précisément ce que réalise le droit uniforme au moyen des différentes règles d’applicabilité qui ont été exposées. Faut-il alors y voir des règles de conflit s’inscrivant dans un système conflictualiste d’inspiration unilatéraliste ? Il est permis de ne pas le penser. En effet, l’unilatéralisme est un système qui envisage la coexistence du système du for avec les autres systèmes de droit. On a souvent reproché à l’unilatéralisme son « nationalisme ». Le reproche n’est pas intégralement justifié. Certes, la pratique de l’unilatéralisme manifeste une tendance à conférer à la loi du for une sphère d’applicabilité particulièrement vaste. Sur ce point, le reproche de « nationalisme » accolé à l’unilatéralisme est fondé. Cette propension à conférer à la lex fori une applicabilité très vaste s’explique sans doute par le fait que la loi du for a tendance à considérer qu’elle est la meilleure possible et que, par conséquent, elle doit recevoir une application spatiale et (ou) personnelle la plus large possible21. Un auteur a ainsi pu relever, à propos de l’unilatéralisme retenu par le droit uniforme africain, que l’explication la « plus pertinente découle du fait que le droit matériel OHADA, comme tout droit uniforme, est considéré par les États parties comme la réglementation la plus appropriée du droit des affaires »22. Cette applicabilité privilégiée de la loi du for, à laquelle aboutit fréquemment la pratique unilatéraliste, doit être comparée avec le fait que, dans la pratique bilatéraliste, le critère d’applicabilité de la loi du for est identique à celui des lois étrangères dans le for. Il est, en effet, de l’essence du bilatéralisme que la règle de conflit utilise le même facteur de rattachement pour rattacher une situation à la lex fori ou à une loi étrangère. Sur ce point, le bilatéralisme ne peut donc encourir le reproche de nationalisme. Le reproche de nationalisme à l’endroit de l’unilatéralisme n’est cependant pas fondé dans la mesure où, après avoir fixé la sphère d’applicabilité de la loi du for, un système unilatéraliste envisage l’applicabilité des lois étrangères selon la sphère d’applicabilité qu’elles se sont elles-mêmes données. Sur ce point, l’unilatéralisme se montre même plus « internationaliste » que le bilatéralisme puisqu’il retient l’application de la loi étrangère selon sa volonté d’application et non plus, comme dans une règle conflictuelle bilatérale, selon la volonté exprimée par la règle de conflit du for. Donc un système conflictualiste unilatéraliste, après avoir posé la sphère d’applicabilité de la loi du for, pose également que lorsque la loi du for n’est pas applicable, il faut appliquer la loi étrangère dans la sphère d’applicabilité qu’elle se donne. Or, le droit OHADA ne pose aucune norme ou aucun principe de ce type, laissant ainsi ouverte la question du droit applicable aux situations non couvertes par le droit commun23. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas voir dans les règles d’applicabilité du droit OHADA un véritable système conflictuel unilatéral mais plutôt une sorte d’échantillon de l’unilatéralisme ne s’inscrivant pas dans un système unilatéraliste achevé. Il a justement pu être relevé que « le droit OHADA ignore les droits des pays tiers et ne se préoccupe pas de l’hypothèse où ces lois étrangères sont applicables »24, conférant ainsi un caractère partiel à l’unilatéralisme du droit africain unifié. 15. Situations internes, intracommunautaires et internationales. Il a été proposé de distinguer la nature des règles d’applicabilité du droit OHADA selon qu’elles couvrent des situations purement internes, des situations intracommunautaires ou partiellement extracommunautaires. Les situations purement internes recouvrent celles dont tous les éléments localisateurs sont situés dans l’espace d’un seul État de l’OHADA. On a vu que, en s’appliquant aux situations purement internes, l’unification réalisée par l’OHADA était plus complète que celle généralement réalisée par les instruments d’unification du droit qui ne s’appliquait qu’aux seules situations internationales25. Les situations internationales intracommunautaires seraient des situations dont tous les éléments localisateurs sont situés dans plusieurs États mais appartenant tous à l’espace constitué des États de l’OHADA. Les situations partiellement extracommunautaires situent certains éléments localisateurs de la situation hors de l’espace OHADA. Sur cette base, il a été proposé d’opérer une distinction « entre rapports internes à l’OHADA – situations internes et intracommunautaires – et rapports externes à l’OHADA, présentant une attache avec un ou plusieurs États tiers »26. Seuls les rapports externes à l’OHADA seraient internationaux au sens du droit international privé. Ceci aurait comme conséquence que les règles d’applicabilité qui couvriraient expressément de tels rapports relèveraient de la catégorie des lois de police. Ainsi, on a vu que l’acte uniforme sur les transports s’appliquait expressément à des situations partiellement extracommunautaires puisqu’il suffit que le lieu de prise en charge ou de livraison de la marchandise soit situé dans un État de l’OHADA pour que ses dispositions s’appliquent27. La règle d’applicabilité contenue dans cet acte aurait alors la nature d’une loi de police et plus précisément d’une loi de police administrative28. Les lois de police désignent des lois qui se caractérisent par leur fonction d’organisation politique, sociale ou économique à travers des comportements qu’elles imposent aux particuliers29. Chaque fois qu’une loi n’est pas seulement régulatrice de rapports privés, mais qu’à travers cette régulation, elle traduit des objectifs politiques, sociaux, économiques, culturels, le plus souvent mis en œuvre au moyen de structures organisées par l’État, elle peut être qualifiée de loi de police. La qualification d’une loi en loi de police est donc essentiellement fondée sur un critère finaliste ou téléologique – le but d’organisation politique, sociale, économique – et parfois sur un critère organique – la mise en œuvre au moyen de structures administratives. Certes, les critères de qualification des lois de police ont évolué par rapport à ceux proposés à l’origine par Ph. Francescakis, notamment quant à la présence du critère organique et la protection des intérêts en cause. C’est ainsi qu’il a été proposé de distinguer au moins deux catégories de lois de police : les lois de police administrative qui correspondent à celles où les critères proposés par l’initiateur de cette catégorie sont suivis et les lois de police contractuelle qui correspondent à la volonté d’assurer au plan international un ordre public de protection en matière contractuelle30. Cependant, sauf à étendre considérablement ces critères et à dissoudre la notion de loi de police en une impérativité internationale affirmée mais non justifiée, il est difficile de voir dans des dispositions portant sur le transport terrestre de marchandises des dispositions constitutives d’une loi de police. La règle d’applicabilité de cet acte ne pourrait donc être vue comme une loi de police qu’en sollicitant beaucoup cette catégorie. Certes, le procédé d’application présente une certaine analogie avec celui de l’application immédiate des lois de police mais cela ne suffit pas à en faire une loi de police. Il s’agit plutôt d’un procédé d’application fréquemment utilisé pour fixer la sphère d’applicabilité du droit matériel uniforme dont l’un des objectifs essentiels est d’assurer une application uniforme du droit uniforme. Le fondement ultime des règles d’applicabilité réside dans le fait que le champ d’application du droit uniforme obéit à des objectifs propres distincts des règles de conflit « répartitrices » des droits nationaux31. 16. Méthodes d’application du droit uniforme. En réalité, la distinction entre situation exclusivement intracommunautaire et partiellement extracommunautaire est relative. En effet, on a vu, par exemple, que les dispositions sur la vente ne couvraient que les ventes dites exclusivement intracommunautaires si on ne s’attachait qu’au seul domicile ou siège des contractants se situant nécessairement dans l’espace OHADA. Par contre, si on s’attachait au lieu de livraison ou de paiement du prix de la vente, les mêmes dispositions uniformes s’appliqueraient également à des ventes partiellement extracommunautaires32. Au fond, la seule différence entre par exemple les règles d’applicabilité sur la vente et celles sur le transport ou l’intermédiation commerciale est que certaines règles d’applicabilité mentionnent expressément des facteurs de localisation situés hors de l’espace OHADA alors que d’autres ne les mentionnent pas. Dans les deux cas, l’applicabilité des règles uniformes repose sur le même principe : la situation dans l’espace OHADA d’un ou plusieurs éléments localisateurs retenus comme pertinents pour justifier l’applicabilité du droit uniforme, les autres éléments localisateurs de la situation – tantôt expressément mentionnés, tantôt non mentionnés – étant considérés comme non pertinents pour écarter l’applicabilité du droit OHADA. Une situation est donc intracommunautaire non parce que tous les éléments constitutifs de la situation sont localisés dans l’espace OHADA mais parce que l’(es) élément(s) localisateur(s) retenu(s) comme pertinent(s) par la règle d’applicabilité est (sont) situé(s) dans cet espace. Il n’y a donc aucune différence de nature entre les différentes règles d’applicabilité du droit OHADA selon qu’elles viseraient des situations exclusivement intracommunautaires ou partiellement extracommunautaires. Toutes sont des règles qui utilisent le procédé de délimitation spatiale unilatérale de règles matérielles. Chaque règle d’applicabilité définit le champ spatial d’application des règles matérielles uniformes contenues dans l’acte uniforme où elle est posée. Ceci a comme conséquence que, pour toutes les situations visées par les règles d’applicabilité, peu importe qu’elles soient exclusivement intracommunautaires ou partiellement extracommunautaires, la technique conflictuelle bilatérale est écartée. On reconnaît ici le procédé d’application spécifique au droit matériel uniforme qui ne permet évidemment pas de qualifier de lois de police toutes les dispositions du droit matériel uniforme. Certes, le droit uniforme OHADA est bien susceptible de contenir des lois de police, mais le seul procédé de l’application « immédiate », qui en réalité concerne toutes les règles matérielles du droit OHADA pour lesquelles des règles d’applicabilité ont été créées, ne peut évidemment pas constituer tout le droit uniforme en lois de police. Ainsi, il serait difficile d’ériger en lois de police toutes les règles uniformes sur la vente commerciale au motif qu’elles peuvent trouver à s’appliquer à des ventes non exclusivement intracommunautaires de la même manière qu’on a vu qu’il était difficile d’ériger en dispositions de police le droit OHADA des transports terrestres par route au motif qu’il pouvait régir des transports partiellement extracommunautaires33. Les règles d’applicabilité sur la vente révèlent d’ailleurs explicitement que les règles d’applicabilité du droit OHADA, bien que relevant du procédé de l’application immédiate, ne constituent pas pour autant des lois de police. En effet, l’article 234 alinéa 2 de l’acte sur le droit commercial général relève expressément la volonté contraire des parties qui peut ainsi écarter les dispositions du droit uniforme sur la vente. Or, il est évidemment impossible qu’une loi de police réserve, dans son applicabilité, la volonté contraire des parties. 17. Limitation de la catégorie des lois de police OHADA. Sans doute, dans l’espace OHADA, le rattachement des règles d’applicabilité au procédé de l’application immédiate et non à la catégorie des lois de police ne présente aucune conséquence pratique. Les règles d’applicabilité ont pour effet dans l’espace uniforme de l’OHADA d’écarter les règles de conflit des différents États. En effet, le juge d’un État de l’OHADA, en vertu de la règle d’applicabilité, est tenu de conférer à l’acte uniforme qu’il doit appliquer le champ spatial d’application que la règle d’applicabilité lui a conféré en écartant au besoin sa règle de conflit. Ainsi, le juge d’un État de l’OHADA devra appliquer les dispositions uniformes sur le transport s’il est saisi d’un litige relatif à un transport international dès lors que le lieu de prise en charge ou de livraison est situé dans un État de l’OHADA en écartant sa règle de conflit qui pourrait être constituée de la loi d’autonomie permettant aux parties de désigner la loi d’un État tiers. Par contre, hors de l’espace OHADA, cette différence de qualification pourrait présenter des conséquences pratiques dans la mesure où le droit international privé positif des États est largement dominé par la technique des règles de conflit bilatérales34. En effet, dans un système bilatéraliste, le droit étranger est appliqué s’il est désigné par la règle de conflit du juge saisi du litige et non selon la sphère d’applicabilité que ce droit étranger s’est donnée. Une exception peut être établie pour les lois de police étrangères eu égard à la nature particulière de ces lois ; il est fort douteux que cette exception puisse également s’appliquer pour une règle d’applicabilité étrangère fixant unilatéralement la sphère d’applicabilité d’une loi matérielle ne revêtant pas la nature d’une loi de police. En effet, alors qu’il est admis que la loi de police peut – mais ne doit pas – être appliquée dans un pays tiers selon la sphère d’applicabilité que cette loi de police s’est donnée35, il n’en serait pas de même pour une disposition d’application immédiate qui n’aurait pas le caractère d’une loi de police. L’application d’une loi de police étrangère peut être justifiée par le fait que refuser pour un État d’appliquer une telle loi aurait pour conséquence de contrecarrer ouvertement la politique poursuivie par l’État tiers. Un État pourrait donc accepter d’écarter sa règle de conflit pour appliquer une loi de police étrangère qui « force » sa règle de conflit au motif qu’il n’entend pas contrecarrer ouvertement les intérêts fondamentaux poursuivis par cet État tiers. Un tel motif ne pourrait pas être avancé pour une loi d’application immédiate qui n’aurait pas le caractère d’une loi de police. On ne voit pas, en effet, pourquoi un État accepterait d’écarter sa règle de conflit de lois au profit d’une règle d’applicabilité d’une règle matérielle qui ne traduirait aucun caractère d’organisation politique, sociale ou économique ou de protection d’intérêts particuliers dans une relation contractuelle. En d’autres termes, une règle d’application immédiate qui ne serait pas une loi de police ne devrait pas pouvoir écarter la règle de conflit d’un État tiers. En conséquence, les règles d’applicabilité du droit OHADA écartent certainement les règles de conflit des États de l’OHADA ; il est douteux qu’elles puissent le faire pour les règles de conflit de lois des États tiers. L’article 9 §1 du Règlement européen du 17 juin 2008 (dit Rome I) sur la loi applicable aux obligations contractuelles illustre bien cette impossibilité pour le juge d’écarter sa règle de conflit au profit de la sphère d’applicabilité fixée par une norme d’applicabilité d’une norme matérielle étrangère lorsque cette norme matérielle ne peut être qualifiée de loi de police. En disposant qu’il « pourra être […] donné effet aux lois de police du pays dans lequel les obligations du contrat doivent être ou ont été exécutées » et en précisant que « si effet doit être donné à ces lois de police, il est tenu compte de leur nature et de leur objet… », le droit international privé européen des contrats n’accepte d’écarter les règles de conflit de lois qu’il édicte que si la loi étrangère, qui entend « forcer » la règle de conflit européenne, a la nature d’une loi de police. 18. Caractère incomplet des règles d’applicabilité. L’exposé des règles d’applicabilité du droit uniforme et les observations qui ont été émises sur leur nature ont permis de constater que le droit uniforme n’a pas vraiment pensé sa relation avec les autres systèmes de droit, notamment avec le droit international privé des États constituant l’OHADA. C’est ainsi que l’on a pu affirmer que les règles d’applicabilité ne s’inscrivaient dans aucun système conflictualiste, ni bilatéraliste, ni même unilatéraliste. Ceci ne signifie cependant pas que les règles d’applicabilité n’ont aucun effet sur les règles de droit international privé des États de l’OHADA. Ceci pose la problématique de la portée des règles d’applicabilité du droit uniforme sur le droit international privé des États membres. II. Portée des règles d’applicabilité du droit OHADA 19. Règles d’applicabilité et règles de droit international privé. La portée des règles d’applicabilité du droit uniforme pose le problème de leur coexistence avec les règles de droit international privé des États de l’OHADA. Cette coexistence suppose que l’on identifie les effets que les règles d’applicabilité sont susceptibles de produire sur les règles de conflit de lois des États parties. Ces effets sont différents selon les situations en cause, plus précisément selon qu’il s’agit de situations intégrées dans les règles d’applicabilité du droit uniforme (A) ou de situations non couvertes, ou non intégralement couvertes, par le droit uniforme (B). A. Situations intégrées dans les règles d’applicabilité 20. Applicabilité du droit uniforme et droit international privé des États parties. Les règles d’applicabilité du droit OHADA écartent les règles de conflit de lois des États de l’OHADA pour les situations intégrées dans les règles d’applicabilité. En effet, lorsqu’il existe une règle d’applicabilité visant une situation, celle-ci sera régie, dans les États de l’OHADA, par le droit uniforme, non parce que celui-ci a été désigné par une règle de conflit de lois mais parce que la règle d’applicabilité l’a incluse dans sa sphère spatiale d’application. De cette façon, les règles d’applicabilité permettent une application spatiale uniforme des règles matérielles uniformes dans l’espace OHADA. Les règles d’applicabilité ont donc été édictées afin d’unifier l’applicabilité du droit OHADA dans les différents États. À défaut de telles règles, l’application du droit uniforme aurait, en effet, reposé sur les règles de conflit des États membres qui ne sont pas unifiées. L’application spatiale du droit uniforme aurait donc reposé sur des règles de conflit différentes dans les différents États. Ceci aurait pu avoir comme conséquence une applicabilité non uniformisée du droit uniforme dans les différents États. Les règles d’applicabilité du droit OHADA reposent donc sur une logique d’uniformisation de l’application des règles matérielles uniformes plutôt que sur une logique de coordination avec le droit international privé des États membres. C’est assez fréquent et conforme à la volonté d’uniformisation du droit qui caractérise l’OHADA et plus généralement toute uniformisation de règles matérielles. Ainsi, les conventions d’unification du droit matériel contiennent le plus souvent des règles d’applicabilité qui permettent une application uniforme du droit uniformisé dans les États parties36. Afin de réaliser le même objectif – celui d’uniformiser l’application du droit uniforme dans les États parties –, les conventions d’unification du droit matériel qui ne contiennent pas de règles d’applicabilité sont souvent assorties de règles de conflit uniformisées qui écartent, dans les domaines couverts par l’uniformisation, les règles de conflit de lois des États parties à ces conventions37. 21. Règles d’applicabilité et loi d’autonomie. La plupart des règles d’applicabilité portent sur des contrats. Ainsi, on a examiné des règles d’applicabilité sur des contrats de vente commerciale, d’intermédiation commerciale et de transport. Il n’y a là rien de plus normal puisqu’on sait que le contrat est une forme juridique essentielle du droit des affaires. Or, dans le domaine des contrats, la principale règle de conflit de lois des États membres est constituée de la loi d’autonomie. Certes, la positivité de cette règle est fragile dans la plupart des États membres car elle repose sur une jurisprudence française antérieure aux indépendances qui ne paraît pas avoir été remise en cause, mais on peut penser qu’elle y est consacrée. La positivité de la règle est, par contre, légale au Gabon puisque l’article 55 du Code civil de 1972 la consacre expressément en disposant que les contrats internationaux sont soumis « à la loi que les contractants ont choisi dans un intérêt légitime ». Elle est aussi consacrée par l’article 15 de l’acte uniforme sur l’arbitrage qui prévoit que « les arbitres tranchent le fond du litige conformément aux règles de droit choisies par les parties… ». Or, on sait que la grande majorité des litiges à trancher par les arbitres sont des litiges contractuels. Consacrée par l’OHADA en matière arbitrale, on peut penser qu’elle s’applique aussi aux litiges contractuels portés devant des juridictions étatiques. Si l’avant-projet d’acte uniforme portant régime général des obligations38 était adopté, le principe du libre choix par les parties de la loi applicable à leur contrat serait légalement consacré. En effet, l’article 575 de cet avant-projet dispose que « le contrat est régi par la loi choisie par les parties ». En réalité, malgré les critiques dont elle a parfois fait l’objet39, la loi d’autonomie est très largement consacrée en droit comparé40 de telle sorte qu’on peut y voir un « principe […] en réalité universellement admis et pratiqué »41. En droit des contrats, la loi d'autonomie est justifiée par l'intérêt des parties et la sécurité que procure aux parties la désignation de la lex contractus. En effet, la possibilité pour les parties de choisir le droit applicable leur permet de désigner le droit qui, en raison de sa teneur, leur paraît le mieux adapté à leur opération. En outre, la désignation de ce droit évite toute complication et toute discussion quant au droit régissant le contrat, contribuant ainsi à la sécurité juridique des contractants. Les règles d’applicabilité du droit OHADA portant sur les contrats écartent, ou plus exactement limitent, la loi d’autonomie pour les contrats inclus dans lesdites règles. En effet, lesdites règles n’écartent pas la loi d’autonomie de façon générale mais elles ne lui donnent effet que si elle désigne le droit matériel uniforme pour un contrat ne réunissant pas les critères d’applicabilité fixés par la règle d’applicabilité. Par contre, sauf en ce qui concerne le droit de la vente commerciale pour lequel l’article 234 alinéa 2 de l’acte uniforme sur le droit commercial général retient expressément la volonté contraire des parties qui peut ainsi écarter les règles uniformes42, elles ne permettent pas d’utiliser la loi d’autonomie pour écarter le droit uniforme applicable à un contrat inclus dans les critères d’applicabilité du droit OHADA. En d’autres termes, la loi d’autonomie peut étendre le champ spatial d’application du droit OHADA mais pas le restreindre. Ceci résulte du recours in fine dans chacune des règles d’applicabilité visant des contrats aux « règles du droit international [menant] à l’application de la loi d’un État partie »43. Ainsi, un contrat d’intermédiation commerciale où l’intermédiaire agit sur le territoire d’un État de l’OHADA est soumis aux dispositions du droit uniforme et la loi d’autonomie ne peut produire aucun effet. Cette limitation des effets de la loi d’autonomie correspond à une logique d’uniformisation du droit et d’applicabilité uniforme du droit uniformisé44. Cependant, une telle limitation, outre qu’elle restreint la liberté des parties dans le domaine contractuel, ne correspond pas à la tendance du droit international privé comparé contemporain qui, au contraire, tend à conforter et élargir la portée de la loi d’autonomie. Pour ce qui concerne le droit OHADA, elle ne correspond pas non plus à la liberté de choix des parties quant au droit applicable consacré par l’article 15 de l’acte uniforme sur l’arbitrage. 22. Règles d’applicabilité et litiges soumis à l’arbitrage. L’article 15 de l’acte uniforme sur l’arbitrage pose le principe que les arbitres, pour trancher le litige qui leur est soumis, appliquent « les règles de droit choisies par les parties ». Il ne convient pas, dans notre propos, d’analyser de façon approfondie les dispositions dudit article45. Il suffit, pour notre propos, de constater que cette règle pose le principe de la totale liberté de choix des parties – y compris le droit de choisir des règles non étatiques – dans la détermination du droit applicable au fond de leur litige lorsque celui-ci fait l’objet d’un arbitrage. Cette totale liberté de choix n’est limitée que par d’éventuelles lois de police et par l’ordre public interne, s’il s’agit d’un litige interne, et par l’ordre public international46 lorsque le litige a un caractère international au sens du droit international privé. Pour se limiter au contrat, cela implique que les parties disposent d’une totale liberté de choix du droit applicable pour un contrat dès lors qu’un litige né de ce contrat est soumis à l’arbitrage. La question a été posée de savoir si cette totale liberté de choix pouvait trouver à s’appliquer même pour un contrat interne ou, au contraire, être limitée aux seuls contrats internationaux47. Il nous semble que la situation contractuelle doit donner lieu à un conflit de lois. Or, un contrat interne ne donne pas lieu, en principe, à un conflit de lois. Toutefois, un contrat interne, dès lors qu’il comporte le choix d’une loi étrangère, suscite un conflit de lois48. En conséquence, dès lors que le contrat a donné lieu à un choix de loi par les parties, il relève de l’article 15 de l’acte uniforme sur l’arbitrage et l’arbitre doit trancher le litige conformément aux règles de droit choisies par les parties. On mesure la totale différence de perspective entre la liberté ainsi conférée aux parties pour les contrats dont les litiges sont soumis à des arbitres et l’applicabilité obligatoire du droit matériel OHADA pour les contrats rentrant dans la sphère d’applicabilité du droit OHADA dès lors que les litiges nés de ces contrats sont soumis à des juridictions étatiques. Pour reprendre l’exemple développé sous le numéro précédent, une intermédiation commerciale où l’intermédiaire agit sur le territoire d’un État de l’OHADA est soumis aux dispositions uniformes sur l’intermédiation si le litige qui naît de ce contrat est tranché par un juge étatique d’un État de l’OHADA et est régi par le droit librement choisi par les parties si un tel litige est soumis à des arbitres. En d’autres termes, la loi d’autonomie est privée d’effet dans la première situation; elle trouve pleinement à s’appliquer dans la deuxième. Ceci implique que la volonté des parties de s’affranchir des règles d’applicabilité du droit uniforme des contrats ne sera efficace que si elles choisissent la voie de l’arbitrage plutôt que la voie judiciaire étatique pour trancher leur litige contractuel. Certes, il est exact que l’arbitrage confère davantage de liberté aux parties que le traitement judiciaire étatique ; il convient cependant de mesurer, ici, combien le recours à l’arbitrage est susceptible d’influer sur le droit applicable aux contrats dès lors qu’il s’agit de contrats pour lesquels la loi d’autonomie est limitée dans ses effets devant le juge étatique, c’est-à-dire les contrats qui entrent dans la champ spatial d’application fixé par les règles d’applicabilité du droit uniforme. 23. Règles d’applicabilité et sociétés commerciales. La portée des règles d’applicabilité sur le droit des sociétés commerciales et coopératives a déjà été largement exposée. On rappelle qu’elle confère un caractère quasiment exclusif au droit uniforme des sociétés pour les sociétés désirant exercer une activité commerciale permanente dans l’espace constitué des États de l’OHADA49. Le droit applicable aux sociétés commerciales exerçant une activité commerciale sur le territoire d’un ou plusieurs États de l’OHADA est nécessairement le droit uniforme régissant les sociétés. La question du droit applicable aux sociétés commerciales ne se pose que pour les sociétés étrangères ayant une succursale dans un État de l’OHADA et qui ont été autorisées à exercer sur le territoire d’un État de l’OHADA sans obligation d’apporter leur succursale à une société ayant son siège social dans l’un des États de l’OHADA. En effet, l’article 120 de l’acte uniforme sur le droit des sociétés commerciales fait obligation à une succursale appartenant à une société étrangère d’être apportée à une société régie par le droit OHADA « à moins qu’elle ne soit dispensée de cette obligation par un arrêté du ministre chargé du commerce de l’État partie dans lequel la succursale est située ». Si la règle d’applicabilité contenue dans l’article 1er de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales soumettant ces sociétés à la loi de leur siège social est bilatéralisée, ces sociétés seront régies dans l’espace OHADA par la loi de leur siège social. Cette solution est acceptable si l’on limite la portée de cette bilatéralisation à la question de la loi applicable à la société et que l’on ne l’étend pas à la nationalité de cette société. En effet, dans cette dernière hypothèse, on risquerait d’attribuer à une société une nationalité étrangère qui serait celle de son siège social alors qu’on sait que la nationalité d’une société ne peut pas dépendre de son siège social mais exclusivement de la loi qui lui a conféré la personnalité juridique50. Quand on sait que le système de l’incorporation est assez largement dominant dans le monde, on mesure que beaucoup de sociétés n’ont pas la nationalité de l’État où elles ont leur siège social. L’extension de la règle d’applicabilité de l’article 1er de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales à la nationalité des sociétés risquerait alors d’attribuer à une société étrangère, dans l’espace OHADA, une nationalité d’un État qui ne reconnaît pas cette société comme nationale51. Une autre solution pourrait être de soumettre ces sociétés dans l’espace OHADA à la loi de leur nationalité, c’est-à-dire celle de l’État qui a conféré la personnalité juridique à la société qui sera soit celle du pays d’enregistrement de la société, soit celle du pays du siège social. Dans les deux cas – soit soumission à la loi du siège social, soit soumission à la loi nationale –, il restera à fixer parmi les dispositions du droit OHADA sur les sociétés commerciales celles qui lui seront applicables au titre de lois de police52. 24. Utilité des règles de conflit de lois. La portée des règles d’applicabilité du droit OHADA qui vient d’être exposée repose sur la volonté d’application uniforme du droit uniforme dans l’espace OHADA excluant, au besoin, les règles de conflit de lois des États membres. Cette portée ne doit pas cependant faire penser que dans les domaines couverts par l’OHADA, les règles de conflit de lois des différents États n’ont plus aucune utilité. Ceci pose le problème du droit applicable aux situations non couvertes ou non intégralement couvertes dans les règles d’applicabilité du droit OHADA. B. Situations non couvertes par les règles d’applicabilité 25. Typologie des situations et méthodes de détermination du droit applicable. L’examen du droit applicable aux situations non couvertes par le droit uniforme implique que l’on précise d’abord quelles sont ces situations non couvertes ou non intégralement couvertes par le droit uniforme avant d’envisager les méthodes possibles pour déterminer le droit applicable à ces situations. 1) Typologie des situations 26. Situations exclues par les critères de localisation. Les situations non couvertes par le droit OHADA recouvrent d’abord celles que les règles d’applicabilité n’intègrent pas dans la sphère d’application du droit uniforme. On a vu qu’il s’agissait de situations internationales au sens du droit international privé dont les éléments localisateurs retenus par les règles d’applicabilité ne sont pas situés sur le territoire des États membres53. Il s’agit par exemple d’une vente internationale où l’une des parties a son siège hors du territoire de l’un des États de l’OHADA ou d’une représentation commerciale où le représenté a son siège dans l’un des États de l’OHADA alors que le représentant agit hors du territoire d’un des États membres. Il en serait de même d’un transport international où les deux parties auraient leur siège dans un État de l’OHADA dès lors que les marchandises à transporter seraient prises en charge et livrées hors du territoire des États membres. Toutes ces situations ne sont pas couvertes par les règles d’applicabilité du droit uniforme et, en conséquence, celui-ci ne leur est pas applicable, sauf pour certaines d’entre elles – la vente et l’intermédiation commerciale – si une règle de conflit de lois désigne le droit d’un des États de l’OHADA54. Dans ce dernier cas, le droit OHADA est appliqué non pas en vertu du système d’application partiellement unilatéraliste du droit uniforme mais en vertu d’une règle de conflit de lois, soit d’un État de l’OHADA, soit d’un État tiers. 27. Absence de règles d’applicabilité. Les situations non couvertes par le droit uniforme sont, ensuite, celles pour lesquelles le droit OHADA ne contient aucune règle d’applicabilité. Tel est le cas pour les sûretés personnelles et réelles, mobilières et immobilières, régies par l’acte uniforme portant organisation des sûretés du 15 décembre 2010. On ne s’explique pas pourquoi le droit uniforme n’a pas élaboré de règles d’applicabilité pour des situations – celles relevant des sûretés – qui donnent lieu à des difficultés particulièrement complexes en droit international privé. Les sûretés mobilières en particulier suscitent parfois des questions très délicates sur le partage de compétence entre la loi de la source contractuelle de la sûreté et la loi réelle. La loi réelle est parfois difficile à déterminer lorsque le bien mobilier a fait l’objet d’un déplacement d’un État à un autre. On reconnaît ici la question du conflit mobile. L’absence de règles d’applicabilité portant sur les différents types de sûretés retenus par le droit OHADA implique que l’application du droit uniforme des sûretés ne peut être fondée sur des critères localisateurs dans l’espace OHADA comme pour les autres situations pour lesquelles l’OHADA a fixé la sphère d’applicabilité du droit matériel uniforme. 28. Lacunes du droit OHADA. Un troisième type de situation mérite d’être évoquée même s’il s’agit de situations différentes de celles qui viennent d’être mentionnées. Cette troisième catégorie recouvre les situations non intégralement couvertes par le droit uniforme. Il s’agit de situations régies par le droit uniforme parce que les critères localisateurs de cette situation retenus par la règle d’applicabilité sont situés dans plusieurs États, tous membres de l’OHADA. Cependant, la situation n’est pas intégralement couverte par le droit uniforme en raison des lacunes – volontaires ou involontaires du droit uniforme –, de sorte que cette lacune doit être comblée par l’application du droit national d’un État membre55. Lorsque la situation est localisée exclusivement à l’intérieur d’un État membre – situation interne –, il n’y a aucune difficulté à identifier le droit national applicable en complément du droit uniforme. Il s’agit du droit de l’État où la situation est intégralement localisée. Par contre, lorsque la situation est localisée dans plusieurs États membres, il sera nécessaire d’identifier, parmi les droits des États membres, celui qui devra être retenu pour combler la lacune du droit uniforme. Dans une vente ivoiro-sénégalaise, en raison du siège des contractants, et donc relevant du droit OHADA sauf convention contraire des parties, il sera nécessaire d’identifier le droit national – ivoirien ou sénégalais – dès lors que le litige soulève une question – par exemple, de validité du consentement – non réglée par le droit uniforme qui doit donc sur ce point être complétée par le droit interne. Certes, ces situations ne peuvent être confondues avec celles examinées sous les deux numéros qui précèdent. En effet, ici, il ne s’agit pas de l’application du droit uniforme mais plutôt de l’application du droit d’un État membre en complément du droit uniforme. On verra cependant que du point de vue méthodologique, cette question peut être traitée par analogie avec la méthode retenue pour appliquer le droit uniforme à des situations non couvertes par les règles d’applicabilité de celui-ci. 2) Méthode de solution des conflits de lois 29. Recours aux règles de droit international privé des États membres. Lorsqu’une situation n’est pas intégrée dans le droit uniforme – soit parce que ses critères localisateurs la situent hors de l’espace OHADA selon les règles d’applicabilité dudit droit, soit parce qu’il n’y a pas de règles d’applicabilité, soit encore en cas de lacune du droit uniforme –, le recours aux règles conflictuelles du droit international privé de chaque État membre est la seule méthode possible. Cette règle conflictuelle désignera soit le droit uniforme, soit le droit d’un État tiers selon le facteur de rattachement qu’elle retient. Par exemple, dans une vente ivoiro-brésilienne, en raison du siège du vendeur en Côte d’Ivoire et de l’acheteur au Brésil, dont on a vu qu’elle ne relevait pas du droit uniforme en vertu des règles d’applicabilité sur la vente commerciale, la juridiction ivoirienne pourrait désigner le droit ivoirien – et donc le droit OHADA – si la règle de conflit ivoirienne désigne, comme dans le système de Rome I, à défaut de loi choisie par les parties, la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle. Inversement, la même règle de conflit ivoirienne désignerait la loi d’un État tiers, le Brésil, dans l’hypothèse où le vendeur a son siège au Brésil alors que l’acheteur a son siège en Côte d’Ivoire. On constate ici que l’application du droit uniforme repose non pas sur le droit uniforme lui-même mais sur le droit international privé des États membres. Cette méthode doit également être retenue lorsqu’il s’agit, non plus de l’application du droit uniforme, mais du droit d’un État membre en complément du droit OHADA. Ainsi, dans une vente ivoiro-sénégalaise où un problème de validité du consentement est soulevé, les règles de conflit de lois du juge saisi désigneront le droit national – ivoirien ou sénégalais – qui s’appliquera à cette question. Il en serait de même, par exemple, s’agissant d’un contrat par lequel un agent commercial presterait ses services dans plusieurs États de l’OHADA. En cas de lacune des dispositions de l’acte uniforme sur le droit commercial général portant sur ce contrat d’intermédiation commerciale, seule une règle de conflit de lois permettrait de désigner le droit de l’État membre apte à combler la lacune du droit uniforme. Les règles de conflit de lois des États membres ont donc un rôle certes subsidiaire mais non négligeable soit dans l’application du droit uniforme, soit dans la détermination du droit national apte à combler les lacunes du droit uniforme. 30. État du droit international privé des États membres dans le domaine des contrats. Le droit international privé des États membres dans les matières visées par le droit uniforme est, jusqu’à ce jour, le plus souvent extrêmement lacunaire et incertain. Si l’on s’en tient au principal domaine couvert par le droit OHADA, celui des contrats, le constat que l’on peut faire est l’absence totale de certitude et donc de prévisibilité dans la détermination du droit applicable aux contrats internationaux. Certes, plusieurs États ont codifié leur droit international privé – le Gabon56, le Sénégal57, le Togo58, le Congo59, le Burkina Faso60, le Bénin61 –, mais à l’exception du Gabon, seules des règles de rattachement portant sur le droit de la famille ont été élaborées. L’absence de règle légale de conflit sur les contrats internationaux est un facteur d’incertitude auquel il faut ajouter l’absence de jurisprudence, au moins de jurisprudence publiée et donc connue. Sans doute, on a relevé que, malgré sa positivité fragile, la loi d’autonomie pouvait être considérée comme faisant partie du droit international privé positif des États membres62. Par contre, quasiment aucune loi et aucune jurisprudence ne peuvent éclairer sur les facteurs de rattachement objectifs qui pourraient être retenus en l’absence de choix du droit applicable par les parties. La seule règle légale de conflit objective est celle du Gabon qui retient un facteur de rattachement aujourd’hui considéré comme non pertinent en droit international privé comparé des contrats, à savoir le lieu de conclusion du contrat. En effet, l’article 55 du Code civil gabonais dispose que « faute d’expression claire de la volonté des contractants, les contrats sont soumis à la loi du lieu de leur conclusion… ». Sans doute, cette règle a au moins le mérite de fixer un facteur de rattachement précis mais on ne peut qu’être étonnés qu’un État ait retenu, dans une codification datant de 1972, un facteur de rattachement aussi désuet – même en 1972 – que celui du lieu de conclusion du contrat63. Dans les autres États de l’OHADA, en l’absence de législation nationale et de jurisprudence significative, le droit international privé des contrats ne fait l’objet d’aucune règle, d’aucune systématisation, ni même d’aucune tendance dans la détermination des facteurs de rattachement objectifs aptes à désigner la loi applicable. Ce manque de prévisibilité dans la détermination du droit applicable, outre qu’il nuit incontestablement à la sécurité juridique des contrats internationaux, est aussi susceptible d’engendrer une application diversifiée du droit OHADA aux situations contractuelles non intégrées dans les règles d’applicabilité du droit uniforme. En effet, les règles de conflit des États membres ou plus exactement les créations jurisprudentielles tenant lieu de règles de conflit peuvent varier d’un État à l’autre, voire même d’une juridiction à l’autre au sein d’un même État. Seule une unification des règles de conflit de lois permettrait à la fois de renforcer la sécurité juridique et d’appliquer de façon uniforme dans les différents États membres le droit matériel uniforme aux situations non visées par les règles d’applicabilité64. 31. Unification des règles de droit international privé des États membres. L’unification du droit des conflit de lois dans les matières couvertes par le droit uniforme dans la mesure où elle fixe l’applicabilité du droit OHADA aux situations non visées par les règles d’applicabilité du droit OHADA devrait entrer dans le champ d’application du droit uniforme tel qu’il est fixé par l’article 2 du Traité OHADA. On sait que cette disposition énumère toute une série de domaines du droit des affaires en précisant qu’on peut ajouter à l’énumération « toute autre matière que le Conseil des ministres déciderait, à l’unanimité d’y inclure conformément à l’objet du présent Traité… ». Une décision du Conseil des ministres de l’OHADA, en date du 14 juin 2013, a autorisé le Secrétaire permanent de l’organisation à entreprendre une étude sur la possibilité d’inclure dans le domaine du droit des affaires toute une série de contrats et de « matières », notamment le règlement des conflits de lois. En visant expressément le « règlement des conflits de lois », la décision permet incontestablement l’édiction d’un acte uniforme fixant des règles de conflit de lois qui déterminerait le droit applicable aux différentes situations et relations régies par les actes uniformes. En outre, la fixation du droit applicable peut être perçue comme un corollaire indispensable à l’unification des matières réalisée par le droit matériel uniforme. Sur ce point, les règles de conflit remplissent la même fonction que les règles d’applicabilité du droit uniforme. Une unification des règles de conflit permettrait, du point de vue méthodologique, d’appréhender de façon globale la coexistence du droit uniforme OHADA avec les droits des États tiers et également avec le droit des États membres en cas de lacune du droit uniforme. On a vu que les règles d’applicabilité du droit OHADA, en utilisant la méthode dite des lois d’application immédiate, ne remplissaient pas réellement cette fonction65. Du point de vue technique, l’absence de règles légales et de tradition jurisprudentielle que l’on observe dans les États membres sur cette question devrait, peut-être paradoxalement, faciliter la création de règles unifiées. L’existence de modèles d’unification des règles de conflit dans le domaine des obligations contractuelles pourrait fournir d’intéressantes expériences de droit comparé66. On songe par exemple aux expériences européennes à travers d’abord la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, et ensuite le Règlement européen du 17 juin 2008 dit « Rome I » qui remplace ladite convention. Il existe également l’expérience américaine à travers la Convention interaméricaine sur les contrats internationaux de 1994. L’avant-projet d’acte uniforme portant sur le droit général des obligations dans l’espace OHADA du 15 avril 201567 rencontre adéquatement cette préoccupation. En effet, les articles 575 à 616 de l’avant-projet unifient les règles de conflit de lois des États de l’OHADA pour les obligations contractuelles et extracontractuelles. Outre la consécration du principe de la loi d’autonomie pour les obligations contractuelles (art. 575 (1) de l’avant-projet) et extracontractuelles (art. 599 de l’avant-projet), l’avant-projet fixe des règles de rattachement subsidiaires et objectives pour toute une série de contrats et de types de dommages. Lorsque les rattachements spécifiques ne sont pas applicables en matière contractuelle, le rattachement retenu est celui du « pays dans lequel le débiteur qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle » (art. 576 (2) de l’avant-projet). En matière extracontractuelle, le rattachement général est celui du lieu du dommage (art. 590 de l’avant-projet). Tous ces rattachements sont encadrés par des clauses d’exception (art. 576 (3) et (4) pour les contrats et art. 590 (3) pour les obligations extracontractuelles) qui consacrent le principe de proximité68. Si l’avant-projet est adopté, il concrétisera une unification des règles de conflit de lois dans des domaines essentiels du droit uniforme69. Cela constituerait un progrès considérable mais ne réaliserait pas pour autant un système OHADA de droit international privé. 32. Règles de conflit de lois et système de droit international privé. Un système de droit international privé n’est, en effet, pas exclusivement constitué de règles spéciales de rattachement. Ces règles spéciales de rattachement doivent s’intégrer au sein de principes et méthodes constituant la partie générale des conflits de lois. On songe par exemple aux méthodes de coordination des systèmes de conflit afin de contribuer à l’harmonie internationale des solutions ou encore à la question de la délimitation, et parfois de la coordination, de règles matérielles différentes partiellement applicables à une situation. Un système de droit international privé doit aussi concrétiser son ordre public au sens du droit international privé de façon à constituer, pour ce qui concerne un système juridique commun ou communautaire, un ordre public commun ou communautaire. Cet ordre public n’a certes pas pour effet de neutraliser les ordres publics nationaux dans le règlement des conflits de lois, mais il permet cependant de donner à ces derniers une formulation uniforme70 et d’exiger qu’ils soient conformes aux principes et valeurs qui fondent l’ordre juridique commun ou communautaire. Dans les systèmes de droit unifié fortement judiciarisés – comme dans le système européen –, cet ordre public est fondé sur les objectifs recherchés par le droit communautaire, à savoir la lutte contre les entraves aux libertés de circulation, et par le respect des droits humains. Le premier objectif est absent du système OHADA, qui ne vise pas à réaliser un espace de liberté de circulation. L’objectif fondamental du droit OHADA est la sécurité juridique et judiciaire des activités économiques71. En conséquence de cet objectif, le droit OHADA a un objet limité de sorte que l’ordre public commun aux États de l’OHADA ne pourrait pratiquement être construit que par rapport aux seules dispositions qui sont contenues dans les actes uniformes. Or, les actes uniformes ont tous pour objet soit de régir des relations d’affaires (par exemple, certains contrats commerciaux, procédures collectives, sûretés), soit d’établir le régime juridique des principaux acteurs commerciaux (sociétés commerciales notamment). L’ordre public OHADA ne pourrait donc être construit qu’en conférant un caractère d’ordre public international – ou en constituant en lois de police – à certaines dispositions du droit uniforme. Le second objectif – le respect des droits humains – n’est nulle part mentionné dans le droit OHADA, ni dans le traité, ni dans les actes uniformes. Dès lors, sauf à défendre une conception extensive de l’ordre public OHADA qui y inclurait la protection des droits fondamentaux72, l’ordre public commun de l’OHADA ne pourrait être limité qu’à quelques principes comme la stabilité de la règle de droit, la consécration de la force obligatoire des actes normatifs individuels et la primauté du droit par rapport aux autres modes de régulation de la vie sociale et économique. Alors que l’Union européenne a pu intégrer les principes et règles issus de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe (tels qu’interprétés par la Cour européenne de Strasbourg pour en faire une partie de l’ordre public communautaire avant de leur conférer une force normative propre par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui a acquis une force juridique contraignante depuis le Traité de Lisbonne de 2007), l’OHADA ne dispose pas d’un tel référentiel jurisprudentiel dans la mesure où la protection judiciaire des droits humains en Afrique, que ce soit au plan continental ou régional, est à un stade très peu avancé73. Il suffit pour s’en convaincre de constater le peu d’intérêt que les États accordent aux recommandations ainsi qu’aux principes et lignes directrices édictés par la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples pour assurer la jouissance des droits, notamment économiques, sociaux et culturels contenus dans la Charte africaine de droits de l’Homme et des Peuples74 ainsi que le caractère relativement récent de la « judiciarisation » du contentieux des droits humains au plan continental et régional75. Or, les textes garantissant les droits humains n’ont aucune effectivité si leur portée et leur efficacité ne sont pas assurées de façon forte par des institutions en particulier judiciaires dont l’autorité et la légitimité sont incontestées. On mesure ici combien la question des droits humains est transversale et que, d’une certaine manière, il paraît quelque peu illusoire de créer un système juridique portant sur le droit des affaires de nature à créer la sécurité juridique sans poser la question fondamentale de l’État de droit. La sécurité juridique repose certes sur la qualité des normes juridiques régissant les relations d’affaires, mais aussi et surtout sur le respect du droit – et le respect ou le non-respect des droits humains constitue à cet égard un indice fondamental – par les institutions publiques juridictionnelles et non juridictionnelles ainsi que par les acteurs économiques et sociaux76. À cet égard, les violations massives et répétées des droits humains à l’égard des personnes, voire de groupes de personnes appréhendés collectivement, dans nombre d’États de l’OHADA, font planer une réelle incertitude sur la possibilité de réaliser la sécurité juridique des relations d’affaires sans poser la question fondamentale du respect des droits humains et, au-delà, de l’État de droit. 33. Conclusion. Le système juridique de l’OHADA a, à l’instar d’autres systèmes juridiques communs ou communautaires, entendu fixer la sphère d’applicabilité des normes qu’il édicte. Il l’a fait, au moyen de règles d’applicabilité qui couvrent un certain nombre de situations et de relations régies par le droit uniforme. Ces règles, si elles ont le mérite de permettre dans l’espace de l’OHADA l’application uniforme du droit uniforme, ne peuvent, cependant, pas être perçues comme constituant un système de droit international privé complet qui réglerait intégralement la problématique de l’application spatiale du droit uniforme africain. En effet, elles laissent ouverte la question du droit applicable aux situations non couvertes par lesdites règles. Elles ne règlent pas davantage la question du droit applicable aux situations couvertes par le droit uniforme dans l’hypothèse où celui-ci ne régit pas l’intégralité de la situation couverte. On constate ainsi que les règles d’applicabilité du droit uniforme ne rendent pas inutiles des règles de conflit de lois qui permettraient de les compléter. Ceci est encore plus nécessaire dans un espace où le droit international privé des États membres, notamment en ce qui concerne les relations contractuelles, est incertain et lacunaire. La sécurité juridique qui constitue l’un des objectifs essentiels de l’OHADA s’en trouverait renforcée. C’est la raison pour laquelle on ne peut que souhaiter l’adoption de l’avant-projet d’acte uniforme relatif aux obligations qui, dans la partie spécifique qu’il consacre aux règles de conflit de lois, remplirait adéquatement cette fonction de sécurisation des relations juridiques, en particulier contractuelles. Footnotes 1 Gatsi, J. (sous la dir. de), L’effectivité du droit OHADA, Yaoundé, P.U.A., 2006 ; Meyer, P., La sécurité juridique et judiciaire dans l’espace OHADA, Rec. Penant, 2006, p. 151 et sqq. ; Lohoues-Oble, J., L’apparition d’un droit international des affaires en Afrique, Rev. int. dr. comp. 1999, p. 543 et sqq. ; Pougoué, P.-G., Notion de droit OHADA, in Encyclopédie du droit OHADA, Paris, Lamy, 2011, p. 1203 et sqq. ; Sawadogo, F.-M., La prise en compte du droit comparé dans l’œuvre d’unification de l’OHADA, Rev. dr. int. et dr. comp. 2008, p. 307 et sqq. 2 Sur cette question, voy. Ba, D., Le problème de la compatibilité entre l’UEMOA et l’OHADA, in La libéralisation de l’économie dans le cadre de l’intégration régionale, Actes du Colloque de Ouagadougou, 16 et 17 décembre 1999, Publication du CEEI, no 3, p. 14 et sqq. ; Boumakani, B., La coexistence de la Cour commune de justice de l’OHADA et de la Cour de justice de la Cemac, Bilan et perspectives in Sensibilisation au droit communautaire et à l’intégration dans la zone Cemac, Actes du séminaire sous-régional, Libreville, 2-6 novembre 2004, Paris, Éd. Giraf 2005, p. 131 et sqq. ; Ibriga, L., La problématique de la juridictionnalisation des processus d’intégration en Afrique de l’ouest, http://www.institut-idef.org ; Kangambega, E., La concurrence et les conflits de juridictions des Cours de justice des processus d’intégration en Afrique de l’ouest, Revue burkinabè de droit 2013, p. 59 et sqq. ; Meyer, P., Les conflits de juridictions dans les espaces OHADA, UEMOA et CEDEAO in La sensibilisation au droit communautaire de l’UEMOA, Colloque organisé par l’Agence internationale de la francophonie en collaboration avec l’UEMOA, Ouagadougou, 6-10 octobre 2003, Paris, Éd. Giraf, 2004, p. 179 et sqq. ; Taty, G., Les conflits de compétence entre les Cours de justice de la Cemac et de l’OHADA in Sensibilisation au droit communautaire de la Cemac, Actes du séminaire sous-régional de Douala, 16-20 décembre 2002, Paris , Éd. Giraf 2003, p. 56 et sqq. ; Sawadogo, F.-M., Les conflits entre normes communautaires : aspects positifs et prospectifs, in La concurrence des organisations régionales en Afrique, Matthieu Fau-Nougaret (sous la direction de), Actes du colloque de Bordeaux des 28-29 septembre 2009, co-organisé par l’Université Bordeaux IV et l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Paris, L’Harmattan, 2012, p. 283 et sqq. 3 Abarchi, D., La supranationalité de l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, Revue burkinabè de droit 2000, no 37, p. 7 et sqq. 4 NGoumtsa Anou, G., Droit OHADA et conflit de lois, avant-propos de Pougoué, P.-G., préface de Fulchiron, H., Paris, L.G.D.J. 2013 (Coll. Bibliothèque de droit privé, t. 543) ; Actes uniformes et conflits de lois, Encyclopédie du droit OHADA, Paris, Lamy, 2011, p. 174 et sqq. 5 Cela pourrait cependant évoluer si l’avant-projet d’acte uniforme portant droit général des obligations, élaboré sous l’égide de la Fondation pour le droit continental (2015), était adopté. En effet, cet avant-projet contient un ensemble de règles de conflit de lois portant sur les obligations contractuelles et extracontractuelles (art. 566 à 616 de l’avant-projet). Voy. infra, no 31. 6 Ainsi, par exemple, le droit de la vente commerciale pour les États parties à la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises du 11 avril 1980. 7 Sur la portée abrogatoire du droit uniforme, voy. Issa-Sayegh, J., La portée abrogatoire des actes uniformes de l’OHADA sur le droit interne des États parties, Revue burkinabè de droit 2001, p. 51 et sqq. 8 Sur le droit uniforme et le droit international privé, voy. Ferrari, F., La Convention de Vienne sur la vente internationale et le droit international privé, J.D.I. 2006, p. 27 et sqq. ; Franck, S., L’applicabilité du droit communautaire dérivé au regard des méthodes du droit international privé, Bruxelles, Bruylant, 2005, spéc. p. 100 et sqq. ; Lagarde, P., Le champ d’application dans l’espace des règles uniformes de droit privé matériel, Travaux et recherches de l’Institut de droit comparé de Paris, XXXIII, Études de droit contemporain, Paris, Les Éd. de l’Épargne, 1970, p. 149 et sqq. ; Malintoppi, A., Les rapports entre le droit uniforme et le droit international privé, R.C.A.D.I. 1965, III, p. 5 et sqq. ; von Overbeck, A.E., Le champ d’application des règles de conflit ou de droit matériel uniforme prévues par des traités, Ann. Int. dr. Int., vol. 58, (1979-1), p. 176 et sqq. ; Pamboukis, Ch. P., Droit international privé holistique : droit uniforme et droit international privé, R.C.A.D.I. 2007, t. 330, p. 9 et sqq. ; Rigaux, F. et Verwilghen, M., Le champ d’application dans l’espace des règles uniformes de droit privé matériel, Rapports belges au VIIIe Congrès de droit comparé, Pescara, 29 août-5 septembre, Bruxelles, CIDC, tome 7, 1970, p. 217 et sqq. ; Stalev, J., Droit uniforme et droit international privé, in Études Rodière, 1981, p. 311 et sqq. ; von Overbeck, A.E., Les règles de droit international privé matériel, Mél. Kollewijn et Offerhaus, 1962, p. 362 et sqq. 9 Art. 1er de la Convention. 10 Sur la définition des règles d’applicabilité, voy. Rigaux, F. et Fallon, M., Droit international privé, Bruxelles, Larcier, 2005, p. 129. 11 Voy. le commentaire sous l’art. 1er de l’acte uniforme du 15 décembre 2010 portant sur le droit commercial général, in Traité et actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 2016, p. 243. 12 Voy. ci-dessous, no 9. 13 Voy. ci-dessous no 9. 14 Voy. supra no 6. 15 NGoumtsa Anou, G., Actes uniformes et conflits de lois, op. cit., p. 191. 16 Il en était de même de l’acte uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de l’arbitrage. 17 Meyer, P., Droit de l’arbitrage, Bruxelles, Bruylant, 2002, Coll. Droit uniforme africain, p. 59 et sqq.; Kauffmann-Kohler, G., Le lieu de l’arbitrage à l’aune de la mondialisation, Réflexions à propos de deux formes récentes d’arbitrage, Rev. Arb. 1998, p. 517 et sqq. 18 CCJA, arrêt no 20, 6 décembre 2011, OHADAta, J -13-164. 19 Articles 1er et 3 de l’acte uniforme du 15 décembre 2010 relatif au droit des sociétés coopératives. 20 Article 2 de l’acte uniforme du 26 janvier 2017 relatif au droit comptable et à l’information financière. 21 Voy. une explication de ce type pour les lois intervenues dans certains États en matière de statut personnel, notamment pour les partenariats enregistrés : Romano, G.P., La bilatéralité éclipsée par l’autorité : développements récents en matière d’état des personnes, Rev . cr. dr. int. pr. 2006, p. 457 et sqq. , spéc. p. 507 et sqq. 22 Ngoumtsa Anou, G., Actes uniformes et conflit de lois, p. 193. 23 Voy. infra, no 26 et sqq. 24 Ngoumtsa Anou, G., Actes uniformes et conflits de lois, op. cit, p. 193. 25 Voy. supra no 6. 26 Ngoumtsa Anou, G., Actes uniformes et conflits de lois, op. cit, p. 191 ; Droit OHADA et conflit de lois, op.cit. p. 332 et sqq. 27 Voy. supra no 11. 28 Ngoumtsa Anou, G., Actes uniformes et conflits de lois, op. cit, pp. 204-205. 29 Sur les lois de police, voy. Francescakis, Ph., Quelques précisions sur les lois d’application immédiate et leurs rapports avec les règles de conflit de lois, Rev. cr. Dr. Int. pr. 1966, p. 1 et sqq. ; Y a-t-il du nouveau en matière d’ordre public ?, Trav. Com. fr. dr. int. pr. 1966-69, p. 143 et sqq. ; Idot, L., Les conflit de lois en droit de la concurrence, J.D.I. 1995, p. 321 et sqq. ; Jacquet, J.-M., La norme juridique extraterritoriale dans le commerce international, Rev. cr. dr. Int. pr. 1985, p. 327 et sqq. ; Mayer, P., Les lois de police étrangères, J.D.I. 1981, p. 277 et sqq. ; Nuyts, A., L’application des lois de police dans l’espace (Réflexions au départ du droit belge de la distribution commerciale et du droit communautaire), Rev. cr. Dr. Int. pr. 1999, p. 31 et sqq. et p. 245 et sqq. ; De Vareilles-Sommière, P., Lois de police et politiques législatives, Rev. cr. dr. int. pr. 2011, p. 207 et sqq. 30 Nuyts, A., L’application des lois de police dans l’espace (Réflexions au départ du droit belge de la distribution commerciale et du droit communautaire), Rev. cr. Dr. Int. pr. 1999, op. cit., p. 31 et sqq. et p. 245 et sqq. 31 Voy. Francq, S., L’applicabilité du droit communautaire dérivé au regard des méthodes du droit international privé, Bruxelles, Bruylant, 2005. 32 Voy. supra no 9. 33 Voy. ci-dessus, n o 11. 34 Il en serait en effet autrement dans un système conflictualiste unilatéraliste puisque le droit étranger y est appliqué selon la sphère d’applicabilité qu’il s’est conféré. 35 Voy. dans l’Union européenne les art. 7 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles et 9 du Règlement (CE) 593/2008 du 17 juin 2008 dit « Rome I » qui a remplacé la Convention de Rome. 36 Voy. par exemple l’article 1er de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises. On a mentionné que certaines règles d’applicabilité de ces conventions avaient inspiré les rédacteurs des actes uniformes. Ainsi en matière de vente commerciale et de transport. 37 Voy. par exemple les Conventions de Genève du 7 juin 1930 portant loi uniforme en matière de lettre de change et de billet à ordre et du 19 mars 1931 en matière de chèque. 38 Voy. supra, note 5. 39 Voy. Heuze, V., La réglementation française des contrats internationaux, Éd. G.L.N. 1990, spéc. p. 144 et sqq. et p. 264 et sqq. 40 En droit européen, voy. l’art. 3.1 du Règlement dit de Rome I qui dispose que « le contrat est régi par la loi choisie par les parties… ». Dans le droit interaméricain, voy. l’art.7 de la Convention de Mexico du 17 mars 1994 sur la loi applicable aux contrats internationaux qui est identique à l’art. 3.1 du Règlement de Rome I. 41 Niboyet, M.-L. et de Geouffre de La Pradelle, G., Droit international privé, Paris, L.G.D.J. 2015, no 101. 42 Sur cette disposition, voy. Pougoué, P.-G. et Ngoumtsa Anou, G., L’applicabilité spatiale du nouveau droit OHADA de la vente commerciale et le droit international privé : une réforme inachevée, Mél. Jean-Michel Jacquet, LexisNexis, 2014, p. 541 et sqq. 43 Voy. supra no 9 et 10. 44 Et peut-être, en ce qui concerne spécifiquement l’intermédiation commerciale, à la qualification de lois de police de certaines règles régissant cette activité au regard de l’enjeu économique qu’elles portent. 45 Pour un commentaire de cette disposition, voy. Meyer, P., in OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés, Juriscope 2016, p. 169 et sqq. 46 Sur la notion d’ordre public international dans le droit de l’arbitrage OHADA mais qui peut être étendu à tout le système juridique OHADA, voy. Meyer, P., Traité et actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 2016, p. 179 et sqq. ; Assi Assepo, E., L’ordre public international dans l’acte uniforme de l’OHADA relatif à l’arbitrage, Rev. Arb. 2007, p. 753 et sqq. ; Bebohi Ebongo, S.I., L’ordre public international des États parties à l’OHADA, Rev. Camerounaise de l’arbitrage, 2006, p. 3 et sqq. 47 Sur cette question en droit OHADA de l’arbitrage, voy. Jacquet, J.-M., Le droit applicable au fond du litige dans l’arbitrage OHADA, in L’OHADA et les perspectives de l’arbitrage en Afrique, Travaux du Centre René-Jean Dupuy pour le droit et le développement, Bruxelles, Bruylant 2000, p. 197 et sqq. ; Meyer, P., Traité et actes uniformes commentés et annotés, op. cit., p. 169 et sqq. ; Ngoumtsa Anou, G., Droit OHADA et conflit de lois, op. cit., p. 144 et sqq. ; Pougoué, P.-G., Tchakoua, J.-M., Fénéon, A ., Droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA, P.U.A., Yaoundé 2000, pp. 24-26 et 120 et sqq. 48 À propos de l’article 1er, jadis de la Convention de Rome du 25 juin 1980 et aujourd’hui du Règlement de Rome I, voy. en ce sens Lagarde, P., Le nouveau droit international privé des contrats après l’entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980, Rev. cr. Dr. Int. privé, 1991, p. 287 et sqq., spéc. p. 294. 49 Voy. supra no 13. 50 Sur l’attribution de la nationalité à une société par l’État qui lui a conféré la personnalité juridique, voy. Mayer, P. et Heuze, V., Droit international privé, Paris, Montchrestien, 2014, no 1047 et les réf. citées, not. l’étude de Mazeaud, L. (De la nationalité des sociétés, J.D.I. 1928, p. 30 et sqq.) qui affirme explicitement que « Personne [ayant la qualité de personne morale] selon la loi d’un Etat, la société ne peut être nationale d’un autre Etat ». 51 Voy. pour une disposition similaire de droit français, Batiffol, H. et Lagarde, P., Droit international privé, Paris, L.G.D.J., t. 1, 1993, pp. 333-334 ; Mayer, P. et Heuze, V., Droit international privé, op.cit., no 1045 ; Niboyet, M.-L. et de Geouffre de La Pradelle, G., Droit international privé, op.cit., no 1110 et sqq. 52 Pour une analyse des lois de police applicables aux sociétés commerciales dans le droit OHADA, voy. Ngoumtsa Anou, G., Droit OHADA et conflit de lois, op. cit., p. 241 et sqq. ; Actes uniformes et conflits de lois, op. cit, pp. 204-205. 53 Voy. supra no 18. 54 Voy. supra no 9, 10 et 21. 55 Voy. supra no 4. 56 Loi du 19 juillet 1972 portant sur l’adoption de la première partie du Code civil. 57 Art. 840 et sqq. de la loi 72-61 du 12 juin 1972 portant sur le Code de la famille. 58 Code de la famille du 29 juin 2012. 59 Art. 819 et sqq. de la loi 073/84 du 17 octobre 1984 portant sur le Code de la famille. 60 Art. 988 et sqq. de la Zatu An VII-13 du 16 novembre 1989 portant sur l’institution d’un Code des personnes et de la famille. 61 Art. 962 et sqq. de la loi n°2002-07 du 24 août 2004 portant sur le Code des personnes et de la famille. 62 Voy. supra no 21. 63 En réalité, la codification gabonaise du droit international privé s’inspire très largement d’un projet de codification du droit international privé français – le projet élaboré par le professeur Niboyet – qui n’a jamais abouti en France mais qui, curieusement, a fourni l’essentiel de la codification au Gabon. Voy. Bourel, P., commentaire sous les articles 25 et sqq. de la loi du 29 juillet 1972 portant sur l’adoption de la première partie du Code civil, Rev . crit. dr. int. pr. 1974, p. 844 et sqq. 64 La présentation faite par les auteurs de l’avant-projet d’acte uniforme portant sur le régime général des obligations relève, très justement, que « l’une des premières attentes des investisseurs nationaux comme étrangers est bien une grande prévisibilité de la loi applicable au fond du litige » et en conclut « qu’il est hautement sécurisant que les règles de conflit de lois en vigueur dans les États membres désignent la même loi nationale quel que soit le pays dans lequel l’action est introduite » (rapport de présentation, p. 6). Sur l’utilité de règles de conflit de lois communes en matière contractuelle pour les États de l’OHADA, voy. Ngoumtsa Anou, G., Droit OHADA et conflit de lois, op. cit. , p. 368 et sqq. 65 Voy. supra no 14. 66 Le droit OHADA a toujours fait une large place au droit comparé dans l’élaboration de ses règles. Le rapport de présentation de l’avant-projet d’acte uniforme portant sur le régime général des obligations mentionne d’ailleurs que le titre IV de l’avant-projet, qui comprend les dispositions sur les conflits de lois, « s’inspire aussi des tentatives d’harmonisation des règles de conflit en matière d’obligations en Europe (Règlement (CE) no 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II »), Règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (« Rome I »)) et du droit comparé » (p. 24). 67 Sur cet avant-projet, voy. supra, note no 5. 68 Sur les clauses d’exception, voy. Dubler, César E., Les clauses d’exception en droit international privé, Genève, Georg, Libr. de l’Université, 1983 ; Bodenes-Constantin, A., La codification du droit international privé français, Éd. Defrénois, 2005 ; Remy-Cordonnier, P., Mise en œuvre et régime procédural de la clause d’exception dans les conflits de lois, Rev. cr. dr. int. pr. 2003, p. 37 et sqq. 69 Il resterait toutefois le droit international privé des sûretés qui n’est ni unifié, ni même couvert pas des règles d’applicabilité du droit uniforme. 70 Comme en témoignent les règlements européens de conflit de lois qui ont maintenu l’exception d’ordre public national, Voy. p. ex. l’art. 21 du Règlement no 593/2008 du 13 juin 2008 (dit « Rome I ») sur la loi applicable aux obligations contractuelles et 26 du Règlement 864/2007 du 11 juillet 2007 (dit « Rome II ») sur la loi applicable aux obligations non contractuelles. 71 Sur cet objectif du droit OHADA, voy. Issa-Sayegh, J., L’intégration juridique des États africains de la zone franc, Rec. Penant, 1997, no 823, p. 5 et sqq., no 824, p. 125 et sqq. ; Kirsch, M., Historique de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, Rec. Penant, 1998, no 827, spécial OHADA, p. 129 et sqq. ; Lohoues-Oble, J., L’apparition d’un droit international des affaires en Afrique, Rev. int. dr. comp., 1999, p. 543 et sqq. ; Mbaye, K., avant-propos, Rec. Penant, no 827, spécial OHADA, p. 125 et sqq. ; Yarga, L., L’OHADA, ses institutions et ses mécanismes de fonctionnement, Revue burkinabè de droit no 39-40, no spécial, 2001, p. 29 et sqq. 72 En ce sens, voy. Ngoumtsa Anou, G., Droit OHADA et conflit de lois, op. cit., p. 210 et sqq. ; Actes uniformes et conflit de lois, op.cit., no 213 et sqq. 73 Voy. cependant, au plan continental, Löfelmann, M., Recent jurisprudence of the African Court on Human and Peoples’ Rights, Developments 2014 to 2016, GIZ (German cooperation), Arusha, 2016. Pour la CEDEAO, voy. Ndiaye, M., La protection des droits de l’Homme par la Cour de Justice de la CEDEAO, Mémoire de Master II, Master interdisciplinaire Dynamiques africaines, Universités de Bordeaux III et IV, IEP de Bordeaux, 2014. 74 Voy. p. ex. Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples, Principes et lignes directrices sur la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels dans la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples, 24 /10/2011, p. 8, no 1, www.achpr.org/fr/instruments/economic-social-cultural. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les observations finales portant sur les rapports périodiques présentés par les différents États membres de l’OHADA à la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples. À titre illustratif, voy. les observations finales sur le 3e rapport périodique du Cameroun adopté en 2014 (15e session extraordinaire, 14-17 mars 2014, Banjul), en particulier les points III (« Facteurs limitant la jouissance des droits garantis par la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples») et IV (« Domaines de préoccupation ») des observations. 75 S’agissant de la construction d’un ordre public régional qui inclut explicitement la protection des droits de la personne humaine – ainsi que les entraves à la libre circulation des personnes –, la situation pourrait être bien davantage porteuse d’espoir dans des organisations d’intégration régionale comme la CEDEAO que dans l’OHADA, pour ne prendre que l’exemple de l’Afrique de l’ouest. En effet, les compétences confiées à la Cour de justice de la CEDEAO, à savoir du contentieux de la violation des droits garantis par la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples, des protocoles et plus généralement du droit international des droits de l’Homme, sur saisine des personnes privées (personnes physiques ou associations), permettent de penser qu’à terme, si la Cour est fréquemment saisie et qu’elle remplit adéquatement sa fonction, un ordre public régional ouest-africain qui inclut cette dimension essentielle du droit pourrait être construit par la juridiction régionale. Sur la question des ordres publics « régionaux » ou « communautaires » en Afrique de l’ouest, voy. Meyer, P., Droit international privé burkinabè et comparé, Ouagadougou, Éd. Maison du droit, 2017, p. 359 et sqq. 76 Voy. Benkemoun, L., Sécurité juridique et investissements internationaux, Rec. Penant 2006, p. 193 et sqq. Il est justement relevé que « lorsque la guerre civile couve ou règne, que la corruption, l’impéritie et l’impunité sévissent, que l’arbitraire administratif et judiciaire se donne libre cours, les meilleures normes du monde n’inciteront pas à investir… » (p. 197). © The Author(s) (2018). Published by Oxford University Press on behalf of Unidroit. All rights reserved. For Permissions, please email journals.permissions@oup.com This article is published and distributed under the terms of the Oxford University Press, Standard Journals Publication Model (https://academic.oup.com/journals/pages/about_us/legal/notices) http://www.deepdyve.com/assets/images/DeepDyve-Logo-lg.png Uniform Law Review/Revue De Droit Uniforme Oxford University Press

Le droit OHADA et le droit international privé : les règles d’applicabilité du droit uniforme

Uniform Law Review/Revue De Droit Uniforme , Volume Advance Article (1) – Feb 28, 2018

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Oxford University Press
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ISSN
1124-3694
eISSN
2050-9065
DOI
10.1093/ulr/uny004
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Abstract

Introduction 1. Système juridique OHADA: bilan. Le système juridique créé par l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) a, jusqu’à ce jour, produit un certain nombre de normes juridiques matérielles et – plus rarement – processuelles destinées à uniformiser le droit des affaires dans un certain nombre de pays africains. De multiples études ont déjà été consacrées au bilan normatif et institutionnel de ce système juridique1. 2. Coexistence du système juridique OHADA avec d’autres systèmes de droit. Un système juridique – quel qu’il soit – doit coexister avec d’autres systèmes de droit. Si l’on s’en tient au droit OHADA, les principaux systèmes avec lesquels il doit organiser sa coexistence sont les systèmes juridiques supranationaux d’intégration dans lesquels un certain nombre d’États membres de l’OHADA sont engagés, les droits nationaux des États membres et les systèmes de droit des États tiers à l’OHADA. 3. Identification des autres systèmes. La présente étude n’envisagera pas les questions soulevées par l’articulation du système juridique de l’OHADA avec les droits supranationaux d’intégration régionale, auxquels sont parties la plupart des États de l’OHADA, aussi bien en Afrique de l’ouest qu’en Afrique centrale2. S’agissant de l’articulation entre le droit commun et les droits des États parties, l’OHADA l’a envisagée en utilisant le mécanisme classique de l’application immédiate et directe des normes communes ainsi que celui de la primauté du droit commun sur le droit national3. Quant aux rapports que le droit OHADA entretient avec les systèmes juridiques des États tiers à l’organisation, ils sont quasiment absents du droit produit jusqu’à ce jour par l’organisation. L’OHADA est ainsi un système quasiment dépourvu de normes régissant ses relations avec les systèmes juridiques des États tiers à l’organisation. 4. Nécessité de l’articulation entre le droit OHADA et les autres systèmes juridiques. En n’ayant produit aucune règle organisant la diversité du droit OHADA par rapport aux autres droits, l’OHADA donne ainsi la fausse impression qu’un système ayant pour objet d’uniformiser certains aspects du droit entre certains États n’a plus besoin du droit international privé. C’est inexact, même dans les relations que le droit OHADA entretient avec les droits des États parties. Ça l’est a fortiori s’agissant des droits des États tiers à l’organisation. S’agissant des relations entre le droit commun et les systèmes juridiques nationaux des États parties, les lacunes – volontaires ou involontaires – du droit OHADA impliquent nécessairement que les normes communes soient complétées par le droit national compétent. Or, si la relation n’est pas exclusivement interne à un État membre mais présente des liens avec plusieurs États parties, le droit OHADA ne peut faire abstraction de règles désignant le droit national compétent4. S’agissant des relations avec les systèmes juridiques tiers à ceux des États membres, il faut constater que le droit OHADA n’a, jusqu’à ce jour5, marqué quasiment aucun intérêt à l’endroit des conflits de lois. 5. Plan. La question des conflits de lois pose le problème de la coexistence et de la coordination d’un système de droit par rapport aux autres droits dès lors que la situation à régir est traversée par le phénomène de la frontière ou, en termes davantage juridiques, empreinte d’éléments d’extranéité. On sait que cette question est susceptible d’être abordée de deux manières. L’une envisage la question sous l’angle des critères d’applicabilité du seul droit du for ; l’autre envisage le droit – celui du for ou n’importe quel droit étranger – rationnellement applicable à la situation au moyen d’une règle de rattachement de type savignien. On aura reconnu dans la première approche la méthode unilatéraliste et dans la seconde la méthode bilatéraliste. Le droit uniforme africain se rattache manifestement à la première méthode puisqu’on verra qu’il se limite essentiellement à la formulation de quelques règles d’applicabilité du seul droit uniforme de l’OHADA, dont on examinera le contenu et la nature (I) avant de s’interroger sur leur portée par rapport aux règles de droit international privé des États membres (II). I. Contenu et nature des règles d’applicablité du droit OHADA 6. Portée de l’uniformisation du droit par l’OHADA. Le droit OHADA, outre un certain nombre de règles processuelles, est essentiellement constitué de règles matérielles uniformes. Lorsque plusieurs États décident d’uniformiser une partie de leur droit, ils limitent généralement la portée de cette uniformisation aux seules relations internationales. Tel est le cas de la plupart des conventions internationales de droit privé portant unification de tel ou tel régime juridique6. Les règles ainsi créées sont alors des règles (internationales) de droit international privé matérielles puisqu’elles ne sont applicables qu’aux seules situations internationales à l’exclusion des situations purement internes. Le droit des États ayant procédé à l’unification est alors, pour les situations visées par l’unification, dédoublé en un droit national non unifié applicable aux situations internes et le droit unifié pour les situations internationales. L’OHADA n’a pas limité la portée du droit unifié aux seules situations internationales ; l’unification porte sur l’ensemble des situations de sorte que les règles matérielles uniformes prennent la place du droit interne de chacun des États qui est alors abrogé7. En conséquence, les règles matérielles des actes uniformes ne sont pas des règles de droit international privé matérielles mais des règles matérielles ordinaires. Lorsque le droit unifié est constitué de règles de droit international privé matérielles, donc applicables aux seules situations internationales, il est obligé de définir les situations internationales qu’il régit, fixant par là même les règles d’applicabilité du droit unifié8. C’est ainsi, par exemple, que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 contient une règle d’applicabilité fondée sur une définition de la vente internationale au sens de la convention, à savoir celle dans laquelle les parties sont établies dans des États contractants différents9. Le droit uniforme africain, dans la mesure où il ne s’applique pas qu’aux seules situations internationales, n’était pas nécessairement tenu de fixer des règles d’applicabilité10 de ses normes matérielles. Il a cependant tenu à fixer de telles règles dont on examinera d’abord le contenu (A) ; l’exposé de ces règles permettra ensuite d’émettre quelques observations sur leur nature (B). A. Présentation des règles d’applicabilité du droit uniforme de l’OHADA 7. Objet des règles d’applicabilité. Les règles d’applicabilité du droit OHADA ont pour objet la délimitation du domaine spatial des règles communes. Outre les situations purement internes toujours régies par le droit OHADA, certaines règles d’applicabilité visent des situations internationales totalement ou partiellement rattachées à l’espace constitué de celui des États membres. 8. Droit commercial général: statut des commerçants et entreprenants. L’article 1er alinéa 1er de l’acte uniforme du 15 décembre 2010 sur le droit commercial général définit l’applicabilité générale des dispositions qu’il contient par rapport à la localisation de l’établissement ou du siège social dans un État de l’OHADA du commerçant – personne physique ou morale. Ainsi, il dispose que « tout commerçant, personne physique ou morale […] ainsi que tout groupement d’intérêt économique dont l’établissement ou le siège social est situé sur le territoire de l’un des États parties au traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique […] est soumis aux dispositions du présent acte uniforme ». L’alinéa 2 du même article soumet aux dispositions de l’acte uniforme « les personnes physiques qui ont opté pour le statut d’entreprenant ». Bien que le texte ne le mentionne pas expressément, il ne peut s’agir que de l’entreprenant exerçant son activité professionnelle, civile, commerciale, artisanale ou agricole sur le territoire de l’un des États de l’OHADA11. Le critère d’applicabilité du droit commercial général ne vise donc que les professionnels, commerçants ou entreprenants, établis sur le territoire d’un État membre parce qu’ils y possèdent leur établissement principal ou une succursale. Ainsi, seul le lieu d’établissement – principal ou secondaire – des professionnels – sans considération de leur nationalité – est pris en compte pour l’applicabilité des dispositions de droit commercial général. Pour ce qui est de la partie du droit commercial général portant sur le statut des commerçants et des entreprenants (obligations comptables, immatriculation, déclaration d’activité), cette sphère d’applicabilité ne pose pas de problème. Elle implique que le statut des commerçants et le statut dérogatoire des entreprenants s’appliquent à tous les commerçants immatriculés au Registre du commerce et du crédit mobilier et à tous les entreprenants ayant procédé à leur déclaration d’activité au même registre d’un des États de l’OHADA. Par contre, cette sphère d’applicabilité est plus problématique s’agissant des activités menées par le commerçant ou l’entreprenant. Certes, pour les commerçants ou entreprenants menant leurs activités dans un cadre exclusivement interne ou exclusivement rattachées à l’espace constitué de celui des États membres, les dispositions de l’acte uniforme portant sur les activités du commerçant ou de l’entreprenant – on pense en particulier aux dispositions sur la vente – pourront facilement trouver à s’appliquer. La sphère d’applicabilité de ces dispositions correspondra d’ailleurs avec les règles spéciales d’applicabilité relatives à la vente commerciale12. Il est, cependant, possible qu’un commerçant ou un entreprenant mène une partie de ses activités hors du territoire de l’un des États de l’OHADA, par exemple en achetant ou vendant des marchandises hors de l’espace OHADA. Dans ce cas, la règle d’applicabilité générale de l’article 1er de l’acte uniforme sur le droit commercial général doit être écartée au profit de la règle spéciale d’applicabilité portant sur la vente commerciale. Celle-ci ne vise, en principe, que les ventes internes ou « intracommunautaires », le caractère intracommunautaire étant défini par les sièges des contractants situés dans des États parties différents. En conséquence, une vente ivoiro-brésilienne conclue par un acheteur commerçant établi en Côte d’Ivoire et un vendeur commerçant établi au Brésil ne relèvera pas de la règle d’applicabilité générale contenue à l’article 1er de l’acte uniforme mais de celle contenue à l’article 234 dudit acte13. 9. Droit commercial général: vente commerciale. L’article 234 alinéa 2 de l’acte uniforme sur le droit commercial général contient des règles d’applicabilité des dispositions uniformes sur la vente commerciale. En disposant que « le contrat de vente commerciale est soumis aux dispositions du présent livre dès lors que les contractants ont le siège de leurs activités dans un des États parties… », le droit uniforme africain de la vente commerciale vise incontestablement les ventes purement internes. En outre, cette disposition doit, a fortiori, viser des ventes internationales parce que les contractants ont le siège de leurs activités dans des États parties différents. On reconnaît dans cette disposition une adaptation de la règle d’applicabilité de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises14. On pourrait en déduire que les ventes internationales régies par le droit OHADA sont des ventes exclusivement intracommunautaires15. L’affirmation est exacte si l’on s’en tient aux seuls sièges des contractants nécessairement situés dans des États de l’OHADA. Par contre, l’affirmation n’est plus exacte si un autre élément d’extranéité de la vente, conclue entre des contractants tous deux situés dans l’espace OHADA, est situé hors de cet espace. On peut songer par exemple à une vente dont l’acheteur et le vendeur sont domiciliés dans des États de l’OHADA mais dont la livraison doit s’effectuer hors de cet espace ou dont le prix est réglé hors dudit espace. Dans une telle situation, le droit OHADA s’applique à une vente internationale dont tous les éléments localisateurs ne sont pas situés dans l’espace OHADA. Tout comme dans la Convention de Vienne du 11 avril 1980, cette règle d’applicabilité du droit uniforme africain de la vente est complétée par une disposition rendant également applicable le droit unifié « lorsque les règles du droit international privé mènent à l’application de la loi d’un État partie ». Ceci permet d’étendre le champ d’application du droit uniforme aux ventes non régies par le droit uniforme en vertu de la règle d’applicabilité dès lors que les règles de droit international privé – par exemple, la loi d’autonomie ou une règle objective subsidiaire de rattachement de l’État du for – désignent le droit d’un État partie. En conséquence, alors que la règle d’applicabilité limite l’applicabilité du droit OHADA de la vente commerciale aux seules ventes internes ou internationales dans lesquelles les contractants ont leur siège dans des États de l’OHADA, la réintroduction de la technique conflictuelle – et par conséquent d’une règle de conflit qui peut avoir un caractère bilatéral – permet d’étendre l’application du droit OHADA à des ventes commerciales internationales non couvertes par la règle d’applicabilité. 10. Droit commercial général: intermédiation commerciale. L’article 172 de l’acte uniforme sur le droit commercial général définit l’applicabilité des règles uniformes sur les intermédiaires ce commerce de façon quelque peu elliptique en disposant qu’elles s’appliquent « même si le représenté ou le tiers visé à l’article 169 [le tiers avec lequel le représentant conclut un acte juridique pour le compte du représenté] ont leurs établissements dans des États différents de ceux signataires du présent acte uniforme dès lors : a) que l’intermédiaire est inscrit au Registre du commerce et du crédit mobilier de l’un des États parties ; b) ou que l’intermédiaire agit sur le territoire de l’un des États parties ». Il faut déduire implicitement de cette règle que les dispositions uniformes s’appliquent d’abord si tous les éléments localisateurs de la situation – territoire d’action du représentant, établissements du représentant et du tiers avec lequel l’intermédiaire agit pour le compte du représenté – sont situés dans un – intermédiation interne – ou plusieurs États parties – intermédiation internationale mais intracommunautaire. En outre, les dispositions uniformes s’appliquent également si le représenté ou le tiers, avec lequel l’intermédiaire de commerce agit, a son domicile hors de l’espace constitué des États de l’OHADA, pourvu que l’intermédiaire puisse être localisé dans ledit espace soit parce qu’il est inscrit au Registre du commerce et du crédit mobilier de l’un des États de l’OHADA, soit parce qu’il agit sur le territoire de l’un de ces États. Le critère déterminant d’applicabilité du droit OHADA de l’intermédiation commerciale est ainsi le lieu d’activité de l’intermédiaire. Il présente des analogies certaines avec le lieu de résidence du débiteur de la prestation caractéristique fréquemment retenu en droit international privé des contrats. En outre, tout comme en matière de vente commerciale, cette disposition est complétée par le recours à la technique conflictuelle pour étendre le champ spatial d’application des dispositions uniformes. En effet, l’article 172.c prévoit l’application du droit uniforme de l’intermédiation commerciale lorsque « les règles du droit international privé conduisent à l’application du présent acte uniforme », ce qui implique que les règles conflictuelles ont désigné la loi d’un État partie à l’organisation. 11. Transport. L’article 1.1 de l’acte uniforme relatif au contrat de transport de marchandises par route contient une règle d’applicabilité directement inspirée de la convention portant sur le transport international des marchandises par route (C.M.R.) du 19 mai 1956. En effet, les dispositions uniformes sont applicables dès lors que « le lieu de prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour la livraison, tels qu’ils sont indiqués au contrat, sont situés soit sur le territoire d’un État membre de l’OHADA, soit sur le territoire de deux États différents dont l’un au moins est membre de l’OHADA » (art. 1.1). La même disposition précise que « l’acte uniforme s’applique quels que soient le domicile et la nationalité des parties au contrat de transport ». Alors que le premier critère d’applicabilité recouvre un transport interne (lieu de prise en charge et lieu de livraison situés sur le territoire d’un État partie), le deuxième permet d’y inclure des transports internationaux exclusivement intracommunautaires, parce que les lieux de prise en charge et de livraison sont situés dans deux États parties et partiellement extracommunautaires, ou parce que le lieu de prise en charge ou de livraison de la marchandise est situé dans un État tiers à l’OHADA. 12. Arbitrage. L’article 1er de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage du 23 novembre 201716, en disposant que « le présent acte uniforme a vocation à s’appliquer à tout arbitrage lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l’un des États parties », pose la règle d’applicabilité du droit uniforme africain de l’arbitrage. Celle-ci est fondée sur la notion de siège du tribunal arbitral. La notion de siège a un caractère ambigu17. On peut y voir un lieu – conception territorialiste du siège – ou un régime juridique choisi par les parties pour régir leur arbitrage – conception volontariste ou autonomiste du siège. Le fait que l’acte uniforme utilise, pour situer le siège, le verbe « se trouve » et que le siège est défini par rapport au tribunal arbitral – et non à l’arbitrage – peut faire penser que les rédacteurs de l’acte ont eu en vue la conception territorialiste du siège. Dans un arrêt du 6 décembre 2011, la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) retient d’ailleurs cette conception territorialiste. En effet, elle casse un arrêt de la Cour d’appel de Douala du 4 juillet 2005 qui, en appliquant les dispositions de l’acte uniforme sur l’arbitrage, avait annulé une sentence arbitrale rendue à Londres. La CCJA relève que ladite Cour d’appel « en appliquant l’acte uniforme à un cas qui manifestement n’est pas dans son champ a violé l’article visé au moyen [art. 1er de l’acte uniforme sur l’arbitrage] ». La CCJA ne retient que le siège territorial de l’arbitrage situé à Londres sans chercher à savoir si les parties à l’arbitrage rendu à Londres n’avaient pas choisi l’acte uniforme comme « siège juridique » de leur arbitrage18. Ainsi entendu, le droit uniforme africain de l’arbitrage n’aurait alors vocation à s’appliquer qu’à l’arbitrage interne à l’espace OHADA, le caractère interne étant défini par rapport au siège territorial du tribunal arbitral dans un État de l’OHADA. On sait cependant que, dans le domaine de l’arbitrage, la nature de l’arbitrage est aussi définie par le caractère du litige tranché par le tribunal arbitral. En effet, l’internationalité du litige – définie tantôt de manière juridique, tantôt par référence à des facteurs économiques telle la mise en jeu des intérêts du commerce international – est fréquemment utilisée pour définir l’internationalité de l’arbitrage. Inversement, le fait que le litige n’a aucun caractère international au sens du droit international privé confère à l’arbitrage un caractère interne. Le droit OHADA de l’arbitrage OHADA a ainsi vocation à s’appliquer à l’arbitrage interne et à l’arbitrage international ainsi définis. En conséquence, le droit uniforme africain de l’arbitrage pourrait, en vertu de la règle d’applicabilité, s’appliquer à des arbitrages internationaux, le caractère international étant alors défini par rapport à la nature internationale au sens du droit international privé du litige tranché par les arbitres. 13. Sociétés commerciales. L’article 1er de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d’intérêt économique soumet aux dispositions qu’il contient « toute société commerciale […] dont le siège social est situé sur le territoire de l’un des États parties… ». Le critère d’applicabilité du droit uniforme est ainsi constitué du siège social. Le siège social doit s’entendre tel qu’il est défini à l’article 24 dudit acte, à savoir « au choix des associés, soit au lieu du principal établissement de la société, soit à son centre de direction administrative et financière ». Le même critère est utilisé pour les sociétés coopératives19 et pour les dispositions OHADA sur le droit comptable20. Cette disposition doit être corrélée avec deux autres dispositions qui confèrent aux dispositions du droit commun des sociétés commerciales un caractère exclusif au sein de l’espace OHADA. Ainsi, l’article 3 du même acte prévoit que « toutes personnes, quelle que soit leur nationalité, désirant exercer en société, une activité commerciale sur le territoire de l’un des États parties, doivent choisir l’une des formes de société […] parmi celles prévues par le présent acte uniforme ». L’article 120 prévoit que la succursale d’une société étrangère « doit être apportée à une société de droit, préexistante ou à créer, de l’un des États parties, deux ans au plus tard après sa création, à moins qu’elle ne soit dispensée de cette obligation par un arrêté du ministre chargé du commerce de l’État partie dans lequel elle est située ». Aucune place n’est accordée, sur le territoire des États de l’OHADA, aux sociétés constituées selon la loi d’un État étranger et régies selon la loi de cet État. Seule leur succursale installée dans un État de l’OHADA peut y exercer une activité pendant un temps limité sauf dérogation accordée par arrêté ministériel. Ceci implique que le droit OHADA entend assurer l’exclusivité des dispositions qu’il contient relativement au droit des sociétés pour toutes les activités économiques exercées sous une forme sociétaire dans l’espace OHADA. Ces dispositions ont pour effet d’écarter l’application des lois étrangères relatives aux sociétés constituées à l’étranger et qui connaissent le système – très répandu en droit comparé – de l’incorporation. En effet, une société constituée dans un pays utilisant le système de l’incorporation et donc tirant son existence et sa personnalité juridique de la loi de ce pays et, en outre, soumise, d’après la loi de ce pays, à la législation dudit pays, ne pourra exercer aucune activité permanente dans un État de l’OHADA si elle ne crée pas, dans un premier temps, une entité dépourvue de la personnalité juridique et, dans un délai de deux ans après cette création, une personne morale conformément au droit OHADA des sociétés commerciales. B. Nature des règles d’applicabilité du droit uniforme de l’OHADA 14. Règles d’applicabilité et unilatéralisme. Les règles d’applicabilité du droit OHADA s’inscrivent incontestablement dans une approche unilatéraliste du droit international privé. On sait en effet que l’unilatéralisme pose comme principe qu’il revient à la loi du for de fixer sa sphère d’applicabilité. Or, c’est précisément ce que réalise le droit uniforme au moyen des différentes règles d’applicabilité qui ont été exposées. Faut-il alors y voir des règles de conflit s’inscrivant dans un système conflictualiste d’inspiration unilatéraliste ? Il est permis de ne pas le penser. En effet, l’unilatéralisme est un système qui envisage la coexistence du système du for avec les autres systèmes de droit. On a souvent reproché à l’unilatéralisme son « nationalisme ». Le reproche n’est pas intégralement justifié. Certes, la pratique de l’unilatéralisme manifeste une tendance à conférer à la loi du for une sphère d’applicabilité particulièrement vaste. Sur ce point, le reproche de « nationalisme » accolé à l’unilatéralisme est fondé. Cette propension à conférer à la lex fori une applicabilité très vaste s’explique sans doute par le fait que la loi du for a tendance à considérer qu’elle est la meilleure possible et que, par conséquent, elle doit recevoir une application spatiale et (ou) personnelle la plus large possible21. Un auteur a ainsi pu relever, à propos de l’unilatéralisme retenu par le droit uniforme africain, que l’explication la « plus pertinente découle du fait que le droit matériel OHADA, comme tout droit uniforme, est considéré par les États parties comme la réglementation la plus appropriée du droit des affaires »22. Cette applicabilité privilégiée de la loi du for, à laquelle aboutit fréquemment la pratique unilatéraliste, doit être comparée avec le fait que, dans la pratique bilatéraliste, le critère d’applicabilité de la loi du for est identique à celui des lois étrangères dans le for. Il est, en effet, de l’essence du bilatéralisme que la règle de conflit utilise le même facteur de rattachement pour rattacher une situation à la lex fori ou à une loi étrangère. Sur ce point, le bilatéralisme ne peut donc encourir le reproche de nationalisme. Le reproche de nationalisme à l’endroit de l’unilatéralisme n’est cependant pas fondé dans la mesure où, après avoir fixé la sphère d’applicabilité de la loi du for, un système unilatéraliste envisage l’applicabilité des lois étrangères selon la sphère d’applicabilité qu’elles se sont elles-mêmes données. Sur ce point, l’unilatéralisme se montre même plus « internationaliste » que le bilatéralisme puisqu’il retient l’application de la loi étrangère selon sa volonté d’application et non plus, comme dans une règle conflictuelle bilatérale, selon la volonté exprimée par la règle de conflit du for. Donc un système conflictualiste unilatéraliste, après avoir posé la sphère d’applicabilité de la loi du for, pose également que lorsque la loi du for n’est pas applicable, il faut appliquer la loi étrangère dans la sphère d’applicabilité qu’elle se donne. Or, le droit OHADA ne pose aucune norme ou aucun principe de ce type, laissant ainsi ouverte la question du droit applicable aux situations non couvertes par le droit commun23. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas voir dans les règles d’applicabilité du droit OHADA un véritable système conflictuel unilatéral mais plutôt une sorte d’échantillon de l’unilatéralisme ne s’inscrivant pas dans un système unilatéraliste achevé. Il a justement pu être relevé que « le droit OHADA ignore les droits des pays tiers et ne se préoccupe pas de l’hypothèse où ces lois étrangères sont applicables »24, conférant ainsi un caractère partiel à l’unilatéralisme du droit africain unifié. 15. Situations internes, intracommunautaires et internationales. Il a été proposé de distinguer la nature des règles d’applicabilité du droit OHADA selon qu’elles couvrent des situations purement internes, des situations intracommunautaires ou partiellement extracommunautaires. Les situations purement internes recouvrent celles dont tous les éléments localisateurs sont situés dans l’espace d’un seul État de l’OHADA. On a vu que, en s’appliquant aux situations purement internes, l’unification réalisée par l’OHADA était plus complète que celle généralement réalisée par les instruments d’unification du droit qui ne s’appliquait qu’aux seules situations internationales25. Les situations internationales intracommunautaires seraient des situations dont tous les éléments localisateurs sont situés dans plusieurs États mais appartenant tous à l’espace constitué des États de l’OHADA. Les situations partiellement extracommunautaires situent certains éléments localisateurs de la situation hors de l’espace OHADA. Sur cette base, il a été proposé d’opérer une distinction « entre rapports internes à l’OHADA – situations internes et intracommunautaires – et rapports externes à l’OHADA, présentant une attache avec un ou plusieurs États tiers »26. Seuls les rapports externes à l’OHADA seraient internationaux au sens du droit international privé. Ceci aurait comme conséquence que les règles d’applicabilité qui couvriraient expressément de tels rapports relèveraient de la catégorie des lois de police. Ainsi, on a vu que l’acte uniforme sur les transports s’appliquait expressément à des situations partiellement extracommunautaires puisqu’il suffit que le lieu de prise en charge ou de livraison de la marchandise soit situé dans un État de l’OHADA pour que ses dispositions s’appliquent27. La règle d’applicabilité contenue dans cet acte aurait alors la nature d’une loi de police et plus précisément d’une loi de police administrative28. Les lois de police désignent des lois qui se caractérisent par leur fonction d’organisation politique, sociale ou économique à travers des comportements qu’elles imposent aux particuliers29. Chaque fois qu’une loi n’est pas seulement régulatrice de rapports privés, mais qu’à travers cette régulation, elle traduit des objectifs politiques, sociaux, économiques, culturels, le plus souvent mis en œuvre au moyen de structures organisées par l’État, elle peut être qualifiée de loi de police. La qualification d’une loi en loi de police est donc essentiellement fondée sur un critère finaliste ou téléologique – le but d’organisation politique, sociale, économique – et parfois sur un critère organique – la mise en œuvre au moyen de structures administratives. Certes, les critères de qualification des lois de police ont évolué par rapport à ceux proposés à l’origine par Ph. Francescakis, notamment quant à la présence du critère organique et la protection des intérêts en cause. C’est ainsi qu’il a été proposé de distinguer au moins deux catégories de lois de police : les lois de police administrative qui correspondent à celles où les critères proposés par l’initiateur de cette catégorie sont suivis et les lois de police contractuelle qui correspondent à la volonté d’assurer au plan international un ordre public de protection en matière contractuelle30. Cependant, sauf à étendre considérablement ces critères et à dissoudre la notion de loi de police en une impérativité internationale affirmée mais non justifiée, il est difficile de voir dans des dispositions portant sur le transport terrestre de marchandises des dispositions constitutives d’une loi de police. La règle d’applicabilité de cet acte ne pourrait donc être vue comme une loi de police qu’en sollicitant beaucoup cette catégorie. Certes, le procédé d’application présente une certaine analogie avec celui de l’application immédiate des lois de police mais cela ne suffit pas à en faire une loi de police. Il s’agit plutôt d’un procédé d’application fréquemment utilisé pour fixer la sphère d’applicabilité du droit matériel uniforme dont l’un des objectifs essentiels est d’assurer une application uniforme du droit uniforme. Le fondement ultime des règles d’applicabilité réside dans le fait que le champ d’application du droit uniforme obéit à des objectifs propres distincts des règles de conflit « répartitrices » des droits nationaux31. 16. Méthodes d’application du droit uniforme. En réalité, la distinction entre situation exclusivement intracommunautaire et partiellement extracommunautaire est relative. En effet, on a vu, par exemple, que les dispositions sur la vente ne couvraient que les ventes dites exclusivement intracommunautaires si on ne s’attachait qu’au seul domicile ou siège des contractants se situant nécessairement dans l’espace OHADA. Par contre, si on s’attachait au lieu de livraison ou de paiement du prix de la vente, les mêmes dispositions uniformes s’appliqueraient également à des ventes partiellement extracommunautaires32. Au fond, la seule différence entre par exemple les règles d’applicabilité sur la vente et celles sur le transport ou l’intermédiation commerciale est que certaines règles d’applicabilité mentionnent expressément des facteurs de localisation situés hors de l’espace OHADA alors que d’autres ne les mentionnent pas. Dans les deux cas, l’applicabilité des règles uniformes repose sur le même principe : la situation dans l’espace OHADA d’un ou plusieurs éléments localisateurs retenus comme pertinents pour justifier l’applicabilité du droit uniforme, les autres éléments localisateurs de la situation – tantôt expressément mentionnés, tantôt non mentionnés – étant considérés comme non pertinents pour écarter l’applicabilité du droit OHADA. Une situation est donc intracommunautaire non parce que tous les éléments constitutifs de la situation sont localisés dans l’espace OHADA mais parce que l’(es) élément(s) localisateur(s) retenu(s) comme pertinent(s) par la règle d’applicabilité est (sont) situé(s) dans cet espace. Il n’y a donc aucune différence de nature entre les différentes règles d’applicabilité du droit OHADA selon qu’elles viseraient des situations exclusivement intracommunautaires ou partiellement extracommunautaires. Toutes sont des règles qui utilisent le procédé de délimitation spatiale unilatérale de règles matérielles. Chaque règle d’applicabilité définit le champ spatial d’application des règles matérielles uniformes contenues dans l’acte uniforme où elle est posée. Ceci a comme conséquence que, pour toutes les situations visées par les règles d’applicabilité, peu importe qu’elles soient exclusivement intracommunautaires ou partiellement extracommunautaires, la technique conflictuelle bilatérale est écartée. On reconnaît ici le procédé d’application spécifique au droit matériel uniforme qui ne permet évidemment pas de qualifier de lois de police toutes les dispositions du droit matériel uniforme. Certes, le droit uniforme OHADA est bien susceptible de contenir des lois de police, mais le seul procédé de l’application « immédiate », qui en réalité concerne toutes les règles matérielles du droit OHADA pour lesquelles des règles d’applicabilité ont été créées, ne peut évidemment pas constituer tout le droit uniforme en lois de police. Ainsi, il serait difficile d’ériger en lois de police toutes les règles uniformes sur la vente commerciale au motif qu’elles peuvent trouver à s’appliquer à des ventes non exclusivement intracommunautaires de la même manière qu’on a vu qu’il était difficile d’ériger en dispositions de police le droit OHADA des transports terrestres par route au motif qu’il pouvait régir des transports partiellement extracommunautaires33. Les règles d’applicabilité sur la vente révèlent d’ailleurs explicitement que les règles d’applicabilité du droit OHADA, bien que relevant du procédé de l’application immédiate, ne constituent pas pour autant des lois de police. En effet, l’article 234 alinéa 2 de l’acte sur le droit commercial général relève expressément la volonté contraire des parties qui peut ainsi écarter les dispositions du droit uniforme sur la vente. Or, il est évidemment impossible qu’une loi de police réserve, dans son applicabilité, la volonté contraire des parties. 17. Limitation de la catégorie des lois de police OHADA. Sans doute, dans l’espace OHADA, le rattachement des règles d’applicabilité au procédé de l’application immédiate et non à la catégorie des lois de police ne présente aucune conséquence pratique. Les règles d’applicabilité ont pour effet dans l’espace uniforme de l’OHADA d’écarter les règles de conflit des différents États. En effet, le juge d’un État de l’OHADA, en vertu de la règle d’applicabilité, est tenu de conférer à l’acte uniforme qu’il doit appliquer le champ spatial d’application que la règle d’applicabilité lui a conféré en écartant au besoin sa règle de conflit. Ainsi, le juge d’un État de l’OHADA devra appliquer les dispositions uniformes sur le transport s’il est saisi d’un litige relatif à un transport international dès lors que le lieu de prise en charge ou de livraison est situé dans un État de l’OHADA en écartant sa règle de conflit qui pourrait être constituée de la loi d’autonomie permettant aux parties de désigner la loi d’un État tiers. Par contre, hors de l’espace OHADA, cette différence de qualification pourrait présenter des conséquences pratiques dans la mesure où le droit international privé positif des États est largement dominé par la technique des règles de conflit bilatérales34. En effet, dans un système bilatéraliste, le droit étranger est appliqué s’il est désigné par la règle de conflit du juge saisi du litige et non selon la sphère d’applicabilité que ce droit étranger s’est donnée. Une exception peut être établie pour les lois de police étrangères eu égard à la nature particulière de ces lois ; il est fort douteux que cette exception puisse également s’appliquer pour une règle d’applicabilité étrangère fixant unilatéralement la sphère d’applicabilité d’une loi matérielle ne revêtant pas la nature d’une loi de police. En effet, alors qu’il est admis que la loi de police peut – mais ne doit pas – être appliquée dans un pays tiers selon la sphère d’applicabilité que cette loi de police s’est donnée35, il n’en serait pas de même pour une disposition d’application immédiate qui n’aurait pas le caractère d’une loi de police. L’application d’une loi de police étrangère peut être justifiée par le fait que refuser pour un État d’appliquer une telle loi aurait pour conséquence de contrecarrer ouvertement la politique poursuivie par l’État tiers. Un État pourrait donc accepter d’écarter sa règle de conflit pour appliquer une loi de police étrangère qui « force » sa règle de conflit au motif qu’il n’entend pas contrecarrer ouvertement les intérêts fondamentaux poursuivis par cet État tiers. Un tel motif ne pourrait pas être avancé pour une loi d’application immédiate qui n’aurait pas le caractère d’une loi de police. On ne voit pas, en effet, pourquoi un État accepterait d’écarter sa règle de conflit de lois au profit d’une règle d’applicabilité d’une règle matérielle qui ne traduirait aucun caractère d’organisation politique, sociale ou économique ou de protection d’intérêts particuliers dans une relation contractuelle. En d’autres termes, une règle d’application immédiate qui ne serait pas une loi de police ne devrait pas pouvoir écarter la règle de conflit d’un État tiers. En conséquence, les règles d’applicabilité du droit OHADA écartent certainement les règles de conflit des États de l’OHADA ; il est douteux qu’elles puissent le faire pour les règles de conflit de lois des États tiers. L’article 9 §1 du Règlement européen du 17 juin 2008 (dit Rome I) sur la loi applicable aux obligations contractuelles illustre bien cette impossibilité pour le juge d’écarter sa règle de conflit au profit de la sphère d’applicabilité fixée par une norme d’applicabilité d’une norme matérielle étrangère lorsque cette norme matérielle ne peut être qualifiée de loi de police. En disposant qu’il « pourra être […] donné effet aux lois de police du pays dans lequel les obligations du contrat doivent être ou ont été exécutées » et en précisant que « si effet doit être donné à ces lois de police, il est tenu compte de leur nature et de leur objet… », le droit international privé européen des contrats n’accepte d’écarter les règles de conflit de lois qu’il édicte que si la loi étrangère, qui entend « forcer » la règle de conflit européenne, a la nature d’une loi de police. 18. Caractère incomplet des règles d’applicabilité. L’exposé des règles d’applicabilité du droit uniforme et les observations qui ont été émises sur leur nature ont permis de constater que le droit uniforme n’a pas vraiment pensé sa relation avec les autres systèmes de droit, notamment avec le droit international privé des États constituant l’OHADA. C’est ainsi que l’on a pu affirmer que les règles d’applicabilité ne s’inscrivaient dans aucun système conflictualiste, ni bilatéraliste, ni même unilatéraliste. Ceci ne signifie cependant pas que les règles d’applicabilité n’ont aucun effet sur les règles de droit international privé des États de l’OHADA. Ceci pose la problématique de la portée des règles d’applicabilité du droit uniforme sur le droit international privé des États membres. II. Portée des règles d’applicabilité du droit OHADA 19. Règles d’applicabilité et règles de droit international privé. La portée des règles d’applicabilité du droit uniforme pose le problème de leur coexistence avec les règles de droit international privé des États de l’OHADA. Cette coexistence suppose que l’on identifie les effets que les règles d’applicabilité sont susceptibles de produire sur les règles de conflit de lois des États parties. Ces effets sont différents selon les situations en cause, plus précisément selon qu’il s’agit de situations intégrées dans les règles d’applicabilité du droit uniforme (A) ou de situations non couvertes, ou non intégralement couvertes, par le droit uniforme (B). A. Situations intégrées dans les règles d’applicabilité 20. Applicabilité du droit uniforme et droit international privé des États parties. Les règles d’applicabilité du droit OHADA écartent les règles de conflit de lois des États de l’OHADA pour les situations intégrées dans les règles d’applicabilité. En effet, lorsqu’il existe une règle d’applicabilité visant une situation, celle-ci sera régie, dans les États de l’OHADA, par le droit uniforme, non parce que celui-ci a été désigné par une règle de conflit de lois mais parce que la règle d’applicabilité l’a incluse dans sa sphère spatiale d’application. De cette façon, les règles d’applicabilité permettent une application spatiale uniforme des règles matérielles uniformes dans l’espace OHADA. Les règles d’applicabilité ont donc été édictées afin d’unifier l’applicabilité du droit OHADA dans les différents États. À défaut de telles règles, l’application du droit uniforme aurait, en effet, reposé sur les règles de conflit des États membres qui ne sont pas unifiées. L’application spatiale du droit uniforme aurait donc reposé sur des règles de conflit différentes dans les différents États. Ceci aurait pu avoir comme conséquence une applicabilité non uniformisée du droit uniforme dans les différents États. Les règles d’applicabilité du droit OHADA reposent donc sur une logique d’uniformisation de l’application des règles matérielles uniformes plutôt que sur une logique de coordination avec le droit international privé des États membres. C’est assez fréquent et conforme à la volonté d’uniformisation du droit qui caractérise l’OHADA et plus généralement toute uniformisation de règles matérielles. Ainsi, les conventions d’unification du droit matériel contiennent le plus souvent des règles d’applicabilité qui permettent une application uniforme du droit uniformisé dans les États parties36. Afin de réaliser le même objectif – celui d’uniformiser l’application du droit uniforme dans les États parties –, les conventions d’unification du droit matériel qui ne contiennent pas de règles d’applicabilité sont souvent assorties de règles de conflit uniformisées qui écartent, dans les domaines couverts par l’uniformisation, les règles de conflit de lois des États parties à ces conventions37. 21. Règles d’applicabilité et loi d’autonomie. La plupart des règles d’applicabilité portent sur des contrats. Ainsi, on a examiné des règles d’applicabilité sur des contrats de vente commerciale, d’intermédiation commerciale et de transport. Il n’y a là rien de plus normal puisqu’on sait que le contrat est une forme juridique essentielle du droit des affaires. Or, dans le domaine des contrats, la principale règle de conflit de lois des États membres est constituée de la loi d’autonomie. Certes, la positivité de cette règle est fragile dans la plupart des États membres car elle repose sur une jurisprudence française antérieure aux indépendances qui ne paraît pas avoir été remise en cause, mais on peut penser qu’elle y est consacrée. La positivité de la règle est, par contre, légale au Gabon puisque l’article 55 du Code civil de 1972 la consacre expressément en disposant que les contrats internationaux sont soumis « à la loi que les contractants ont choisi dans un intérêt légitime ». Elle est aussi consacrée par l’article 15 de l’acte uniforme sur l’arbitrage qui prévoit que « les arbitres tranchent le fond du litige conformément aux règles de droit choisies par les parties… ». Or, on sait que la grande majorité des litiges à trancher par les arbitres sont des litiges contractuels. Consacrée par l’OHADA en matière arbitrale, on peut penser qu’elle s’applique aussi aux litiges contractuels portés devant des juridictions étatiques. Si l’avant-projet d’acte uniforme portant régime général des obligations38 était adopté, le principe du libre choix par les parties de la loi applicable à leur contrat serait légalement consacré. En effet, l’article 575 de cet avant-projet dispose que « le contrat est régi par la loi choisie par les parties ». En réalité, malgré les critiques dont elle a parfois fait l’objet39, la loi d’autonomie est très largement consacrée en droit comparé40 de telle sorte qu’on peut y voir un « principe […] en réalité universellement admis et pratiqué »41. En droit des contrats, la loi d'autonomie est justifiée par l'intérêt des parties et la sécurité que procure aux parties la désignation de la lex contractus. En effet, la possibilité pour les parties de choisir le droit applicable leur permet de désigner le droit qui, en raison de sa teneur, leur paraît le mieux adapté à leur opération. En outre, la désignation de ce droit évite toute complication et toute discussion quant au droit régissant le contrat, contribuant ainsi à la sécurité juridique des contractants. Les règles d’applicabilité du droit OHADA portant sur les contrats écartent, ou plus exactement limitent, la loi d’autonomie pour les contrats inclus dans lesdites règles. En effet, lesdites règles n’écartent pas la loi d’autonomie de façon générale mais elles ne lui donnent effet que si elle désigne le droit matériel uniforme pour un contrat ne réunissant pas les critères d’applicabilité fixés par la règle d’applicabilité. Par contre, sauf en ce qui concerne le droit de la vente commerciale pour lequel l’article 234 alinéa 2 de l’acte uniforme sur le droit commercial général retient expressément la volonté contraire des parties qui peut ainsi écarter les règles uniformes42, elles ne permettent pas d’utiliser la loi d’autonomie pour écarter le droit uniforme applicable à un contrat inclus dans les critères d’applicabilité du droit OHADA. En d’autres termes, la loi d’autonomie peut étendre le champ spatial d’application du droit OHADA mais pas le restreindre. Ceci résulte du recours in fine dans chacune des règles d’applicabilité visant des contrats aux « règles du droit international [menant] à l’application de la loi d’un État partie »43. Ainsi, un contrat d’intermédiation commerciale où l’intermédiaire agit sur le territoire d’un État de l’OHADA est soumis aux dispositions du droit uniforme et la loi d’autonomie ne peut produire aucun effet. Cette limitation des effets de la loi d’autonomie correspond à une logique d’uniformisation du droit et d’applicabilité uniforme du droit uniformisé44. Cependant, une telle limitation, outre qu’elle restreint la liberté des parties dans le domaine contractuel, ne correspond pas à la tendance du droit international privé comparé contemporain qui, au contraire, tend à conforter et élargir la portée de la loi d’autonomie. Pour ce qui concerne le droit OHADA, elle ne correspond pas non plus à la liberté de choix des parties quant au droit applicable consacré par l’article 15 de l’acte uniforme sur l’arbitrage. 22. Règles d’applicabilité et litiges soumis à l’arbitrage. L’article 15 de l’acte uniforme sur l’arbitrage pose le principe que les arbitres, pour trancher le litige qui leur est soumis, appliquent « les règles de droit choisies par les parties ». Il ne convient pas, dans notre propos, d’analyser de façon approfondie les dispositions dudit article45. Il suffit, pour notre propos, de constater que cette règle pose le principe de la totale liberté de choix des parties – y compris le droit de choisir des règles non étatiques – dans la détermination du droit applicable au fond de leur litige lorsque celui-ci fait l’objet d’un arbitrage. Cette totale liberté de choix n’est limitée que par d’éventuelles lois de police et par l’ordre public interne, s’il s’agit d’un litige interne, et par l’ordre public international46 lorsque le litige a un caractère international au sens du droit international privé. Pour se limiter au contrat, cela implique que les parties disposent d’une totale liberté de choix du droit applicable pour un contrat dès lors qu’un litige né de ce contrat est soumis à l’arbitrage. La question a été posée de savoir si cette totale liberté de choix pouvait trouver à s’appliquer même pour un contrat interne ou, au contraire, être limitée aux seuls contrats internationaux47. Il nous semble que la situation contractuelle doit donner lieu à un conflit de lois. Or, un contrat interne ne donne pas lieu, en principe, à un conflit de lois. Toutefois, un contrat interne, dès lors qu’il comporte le choix d’une loi étrangère, suscite un conflit de lois48. En conséquence, dès lors que le contrat a donné lieu à un choix de loi par les parties, il relève de l’article 15 de l’acte uniforme sur l’arbitrage et l’arbitre doit trancher le litige conformément aux règles de droit choisies par les parties. On mesure la totale différence de perspective entre la liberté ainsi conférée aux parties pour les contrats dont les litiges sont soumis à des arbitres et l’applicabilité obligatoire du droit matériel OHADA pour les contrats rentrant dans la sphère d’applicabilité du droit OHADA dès lors que les litiges nés de ces contrats sont soumis à des juridictions étatiques. Pour reprendre l’exemple développé sous le numéro précédent, une intermédiation commerciale où l’intermédiaire agit sur le territoire d’un État de l’OHADA est soumis aux dispositions uniformes sur l’intermédiation si le litige qui naît de ce contrat est tranché par un juge étatique d’un État de l’OHADA et est régi par le droit librement choisi par les parties si un tel litige est soumis à des arbitres. En d’autres termes, la loi d’autonomie est privée d’effet dans la première situation; elle trouve pleinement à s’appliquer dans la deuxième. Ceci implique que la volonté des parties de s’affranchir des règles d’applicabilité du droit uniforme des contrats ne sera efficace que si elles choisissent la voie de l’arbitrage plutôt que la voie judiciaire étatique pour trancher leur litige contractuel. Certes, il est exact que l’arbitrage confère davantage de liberté aux parties que le traitement judiciaire étatique ; il convient cependant de mesurer, ici, combien le recours à l’arbitrage est susceptible d’influer sur le droit applicable aux contrats dès lors qu’il s’agit de contrats pour lesquels la loi d’autonomie est limitée dans ses effets devant le juge étatique, c’est-à-dire les contrats qui entrent dans la champ spatial d’application fixé par les règles d’applicabilité du droit uniforme. 23. Règles d’applicabilité et sociétés commerciales. La portée des règles d’applicabilité sur le droit des sociétés commerciales et coopératives a déjà été largement exposée. On rappelle qu’elle confère un caractère quasiment exclusif au droit uniforme des sociétés pour les sociétés désirant exercer une activité commerciale permanente dans l’espace constitué des États de l’OHADA49. Le droit applicable aux sociétés commerciales exerçant une activité commerciale sur le territoire d’un ou plusieurs États de l’OHADA est nécessairement le droit uniforme régissant les sociétés. La question du droit applicable aux sociétés commerciales ne se pose que pour les sociétés étrangères ayant une succursale dans un État de l’OHADA et qui ont été autorisées à exercer sur le territoire d’un État de l’OHADA sans obligation d’apporter leur succursale à une société ayant son siège social dans l’un des États de l’OHADA. En effet, l’article 120 de l’acte uniforme sur le droit des sociétés commerciales fait obligation à une succursale appartenant à une société étrangère d’être apportée à une société régie par le droit OHADA « à moins qu’elle ne soit dispensée de cette obligation par un arrêté du ministre chargé du commerce de l’État partie dans lequel la succursale est située ». Si la règle d’applicabilité contenue dans l’article 1er de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales soumettant ces sociétés à la loi de leur siège social est bilatéralisée, ces sociétés seront régies dans l’espace OHADA par la loi de leur siège social. Cette solution est acceptable si l’on limite la portée de cette bilatéralisation à la question de la loi applicable à la société et que l’on ne l’étend pas à la nationalité de cette société. En effet, dans cette dernière hypothèse, on risquerait d’attribuer à une société une nationalité étrangère qui serait celle de son siège social alors qu’on sait que la nationalité d’une société ne peut pas dépendre de son siège social mais exclusivement de la loi qui lui a conféré la personnalité juridique50. Quand on sait que le système de l’incorporation est assez largement dominant dans le monde, on mesure que beaucoup de sociétés n’ont pas la nationalité de l’État où elles ont leur siège social. L’extension de la règle d’applicabilité de l’article 1er de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales à la nationalité des sociétés risquerait alors d’attribuer à une société étrangère, dans l’espace OHADA, une nationalité d’un État qui ne reconnaît pas cette société comme nationale51. Une autre solution pourrait être de soumettre ces sociétés dans l’espace OHADA à la loi de leur nationalité, c’est-à-dire celle de l’État qui a conféré la personnalité juridique à la société qui sera soit celle du pays d’enregistrement de la société, soit celle du pays du siège social. Dans les deux cas – soit soumission à la loi du siège social, soit soumission à la loi nationale –, il restera à fixer parmi les dispositions du droit OHADA sur les sociétés commerciales celles qui lui seront applicables au titre de lois de police52. 24. Utilité des règles de conflit de lois. La portée des règles d’applicabilité du droit OHADA qui vient d’être exposée repose sur la volonté d’application uniforme du droit uniforme dans l’espace OHADA excluant, au besoin, les règles de conflit de lois des États membres. Cette portée ne doit pas cependant faire penser que dans les domaines couverts par l’OHADA, les règles de conflit de lois des différents États n’ont plus aucune utilité. Ceci pose le problème du droit applicable aux situations non couvertes ou non intégralement couvertes dans les règles d’applicabilité du droit OHADA. B. Situations non couvertes par les règles d’applicabilité 25. Typologie des situations et méthodes de détermination du droit applicable. L’examen du droit applicable aux situations non couvertes par le droit uniforme implique que l’on précise d’abord quelles sont ces situations non couvertes ou non intégralement couvertes par le droit uniforme avant d’envisager les méthodes possibles pour déterminer le droit applicable à ces situations. 1) Typologie des situations 26. Situations exclues par les critères de localisation. Les situations non couvertes par le droit OHADA recouvrent d’abord celles que les règles d’applicabilité n’intègrent pas dans la sphère d’application du droit uniforme. On a vu qu’il s’agissait de situations internationales au sens du droit international privé dont les éléments localisateurs retenus par les règles d’applicabilité ne sont pas situés sur le territoire des États membres53. Il s’agit par exemple d’une vente internationale où l’une des parties a son siège hors du territoire de l’un des États de l’OHADA ou d’une représentation commerciale où le représenté a son siège dans l’un des États de l’OHADA alors que le représentant agit hors du territoire d’un des États membres. Il en serait de même d’un transport international où les deux parties auraient leur siège dans un État de l’OHADA dès lors que les marchandises à transporter seraient prises en charge et livrées hors du territoire des États membres. Toutes ces situations ne sont pas couvertes par les règles d’applicabilité du droit uniforme et, en conséquence, celui-ci ne leur est pas applicable, sauf pour certaines d’entre elles – la vente et l’intermédiation commerciale – si une règle de conflit de lois désigne le droit d’un des États de l’OHADA54. Dans ce dernier cas, le droit OHADA est appliqué non pas en vertu du système d’application partiellement unilatéraliste du droit uniforme mais en vertu d’une règle de conflit de lois, soit d’un État de l’OHADA, soit d’un État tiers. 27. Absence de règles d’applicabilité. Les situations non couvertes par le droit uniforme sont, ensuite, celles pour lesquelles le droit OHADA ne contient aucune règle d’applicabilité. Tel est le cas pour les sûretés personnelles et réelles, mobilières et immobilières, régies par l’acte uniforme portant organisation des sûretés du 15 décembre 2010. On ne s’explique pas pourquoi le droit uniforme n’a pas élaboré de règles d’applicabilité pour des situations – celles relevant des sûretés – qui donnent lieu à des difficultés particulièrement complexes en droit international privé. Les sûretés mobilières en particulier suscitent parfois des questions très délicates sur le partage de compétence entre la loi de la source contractuelle de la sûreté et la loi réelle. La loi réelle est parfois difficile à déterminer lorsque le bien mobilier a fait l’objet d’un déplacement d’un État à un autre. On reconnaît ici la question du conflit mobile. L’absence de règles d’applicabilité portant sur les différents types de sûretés retenus par le droit OHADA implique que l’application du droit uniforme des sûretés ne peut être fondée sur des critères localisateurs dans l’espace OHADA comme pour les autres situations pour lesquelles l’OHADA a fixé la sphère d’applicabilité du droit matériel uniforme. 28. Lacunes du droit OHADA. Un troisième type de situation mérite d’être évoquée même s’il s’agit de situations différentes de celles qui viennent d’être mentionnées. Cette troisième catégorie recouvre les situations non intégralement couvertes par le droit uniforme. Il s’agit de situations régies par le droit uniforme parce que les critères localisateurs de cette situation retenus par la règle d’applicabilité sont situés dans plusieurs États, tous membres de l’OHADA. Cependant, la situation n’est pas intégralement couverte par le droit uniforme en raison des lacunes – volontaires ou involontaires du droit uniforme –, de sorte que cette lacune doit être comblée par l’application du droit national d’un État membre55. Lorsque la situation est localisée exclusivement à l’intérieur d’un État membre – situation interne –, il n’y a aucune difficulté à identifier le droit national applicable en complément du droit uniforme. Il s’agit du droit de l’État où la situation est intégralement localisée. Par contre, lorsque la situation est localisée dans plusieurs États membres, il sera nécessaire d’identifier, parmi les droits des États membres, celui qui devra être retenu pour combler la lacune du droit uniforme. Dans une vente ivoiro-sénégalaise, en raison du siège des contractants, et donc relevant du droit OHADA sauf convention contraire des parties, il sera nécessaire d’identifier le droit national – ivoirien ou sénégalais – dès lors que le litige soulève une question – par exemple, de validité du consentement – non réglée par le droit uniforme qui doit donc sur ce point être complétée par le droit interne. Certes, ces situations ne peuvent être confondues avec celles examinées sous les deux numéros qui précèdent. En effet, ici, il ne s’agit pas de l’application du droit uniforme mais plutôt de l’application du droit d’un État membre en complément du droit uniforme. On verra cependant que du point de vue méthodologique, cette question peut être traitée par analogie avec la méthode retenue pour appliquer le droit uniforme à des situations non couvertes par les règles d’applicabilité de celui-ci. 2) Méthode de solution des conflits de lois 29. Recours aux règles de droit international privé des États membres. Lorsqu’une situation n’est pas intégrée dans le droit uniforme – soit parce que ses critères localisateurs la situent hors de l’espace OHADA selon les règles d’applicabilité dudit droit, soit parce qu’il n’y a pas de règles d’applicabilité, soit encore en cas de lacune du droit uniforme –, le recours aux règles conflictuelles du droit international privé de chaque État membre est la seule méthode possible. Cette règle conflictuelle désignera soit le droit uniforme, soit le droit d’un État tiers selon le facteur de rattachement qu’elle retient. Par exemple, dans une vente ivoiro-brésilienne, en raison du siège du vendeur en Côte d’Ivoire et de l’acheteur au Brésil, dont on a vu qu’elle ne relevait pas du droit uniforme en vertu des règles d’applicabilité sur la vente commerciale, la juridiction ivoirienne pourrait désigner le droit ivoirien – et donc le droit OHADA – si la règle de conflit ivoirienne désigne, comme dans le système de Rome I, à défaut de loi choisie par les parties, la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle. Inversement, la même règle de conflit ivoirienne désignerait la loi d’un État tiers, le Brésil, dans l’hypothèse où le vendeur a son siège au Brésil alors que l’acheteur a son siège en Côte d’Ivoire. On constate ici que l’application du droit uniforme repose non pas sur le droit uniforme lui-même mais sur le droit international privé des États membres. Cette méthode doit également être retenue lorsqu’il s’agit, non plus de l’application du droit uniforme, mais du droit d’un État membre en complément du droit OHADA. Ainsi, dans une vente ivoiro-sénégalaise où un problème de validité du consentement est soulevé, les règles de conflit de lois du juge saisi désigneront le droit national – ivoirien ou sénégalais – qui s’appliquera à cette question. Il en serait de même, par exemple, s’agissant d’un contrat par lequel un agent commercial presterait ses services dans plusieurs États de l’OHADA. En cas de lacune des dispositions de l’acte uniforme sur le droit commercial général portant sur ce contrat d’intermédiation commerciale, seule une règle de conflit de lois permettrait de désigner le droit de l’État membre apte à combler la lacune du droit uniforme. Les règles de conflit de lois des États membres ont donc un rôle certes subsidiaire mais non négligeable soit dans l’application du droit uniforme, soit dans la détermination du droit national apte à combler les lacunes du droit uniforme. 30. État du droit international privé des États membres dans le domaine des contrats. Le droit international privé des États membres dans les matières visées par le droit uniforme est, jusqu’à ce jour, le plus souvent extrêmement lacunaire et incertain. Si l’on s’en tient au principal domaine couvert par le droit OHADA, celui des contrats, le constat que l’on peut faire est l’absence totale de certitude et donc de prévisibilité dans la détermination du droit applicable aux contrats internationaux. Certes, plusieurs États ont codifié leur droit international privé – le Gabon56, le Sénégal57, le Togo58, le Congo59, le Burkina Faso60, le Bénin61 –, mais à l’exception du Gabon, seules des règles de rattachement portant sur le droit de la famille ont été élaborées. L’absence de règle légale de conflit sur les contrats internationaux est un facteur d’incertitude auquel il faut ajouter l’absence de jurisprudence, au moins de jurisprudence publiée et donc connue. Sans doute, on a relevé que, malgré sa positivité fragile, la loi d’autonomie pouvait être considérée comme faisant partie du droit international privé positif des États membres62. Par contre, quasiment aucune loi et aucune jurisprudence ne peuvent éclairer sur les facteurs de rattachement objectifs qui pourraient être retenus en l’absence de choix du droit applicable par les parties. La seule règle légale de conflit objective est celle du Gabon qui retient un facteur de rattachement aujourd’hui considéré comme non pertinent en droit international privé comparé des contrats, à savoir le lieu de conclusion du contrat. En effet, l’article 55 du Code civil gabonais dispose que « faute d’expression claire de la volonté des contractants, les contrats sont soumis à la loi du lieu de leur conclusion… ». Sans doute, cette règle a au moins le mérite de fixer un facteur de rattachement précis mais on ne peut qu’être étonnés qu’un État ait retenu, dans une codification datant de 1972, un facteur de rattachement aussi désuet – même en 1972 – que celui du lieu de conclusion du contrat63. Dans les autres États de l’OHADA, en l’absence de législation nationale et de jurisprudence significative, le droit international privé des contrats ne fait l’objet d’aucune règle, d’aucune systématisation, ni même d’aucune tendance dans la détermination des facteurs de rattachement objectifs aptes à désigner la loi applicable. Ce manque de prévisibilité dans la détermination du droit applicable, outre qu’il nuit incontestablement à la sécurité juridique des contrats internationaux, est aussi susceptible d’engendrer une application diversifiée du droit OHADA aux situations contractuelles non intégrées dans les règles d’applicabilité du droit uniforme. En effet, les règles de conflit des États membres ou plus exactement les créations jurisprudentielles tenant lieu de règles de conflit peuvent varier d’un État à l’autre, voire même d’une juridiction à l’autre au sein d’un même État. Seule une unification des règles de conflit de lois permettrait à la fois de renforcer la sécurité juridique et d’appliquer de façon uniforme dans les différents États membres le droit matériel uniforme aux situations non visées par les règles d’applicabilité64. 31. Unification des règles de droit international privé des États membres. L’unification du droit des conflit de lois dans les matières couvertes par le droit uniforme dans la mesure où elle fixe l’applicabilité du droit OHADA aux situations non visées par les règles d’applicabilité du droit OHADA devrait entrer dans le champ d’application du droit uniforme tel qu’il est fixé par l’article 2 du Traité OHADA. On sait que cette disposition énumère toute une série de domaines du droit des affaires en précisant qu’on peut ajouter à l’énumération « toute autre matière que le Conseil des ministres déciderait, à l’unanimité d’y inclure conformément à l’objet du présent Traité… ». Une décision du Conseil des ministres de l’OHADA, en date du 14 juin 2013, a autorisé le Secrétaire permanent de l’organisation à entreprendre une étude sur la possibilité d’inclure dans le domaine du droit des affaires toute une série de contrats et de « matières », notamment le règlement des conflits de lois. En visant expressément le « règlement des conflits de lois », la décision permet incontestablement l’édiction d’un acte uniforme fixant des règles de conflit de lois qui déterminerait le droit applicable aux différentes situations et relations régies par les actes uniformes. En outre, la fixation du droit applicable peut être perçue comme un corollaire indispensable à l’unification des matières réalisée par le droit matériel uniforme. Sur ce point, les règles de conflit remplissent la même fonction que les règles d’applicabilité du droit uniforme. Une unification des règles de conflit permettrait, du point de vue méthodologique, d’appréhender de façon globale la coexistence du droit uniforme OHADA avec les droits des États tiers et également avec le droit des États membres en cas de lacune du droit uniforme. On a vu que les règles d’applicabilité du droit OHADA, en utilisant la méthode dite des lois d’application immédiate, ne remplissaient pas réellement cette fonction65. Du point de vue technique, l’absence de règles légales et de tradition jurisprudentielle que l’on observe dans les États membres sur cette question devrait, peut-être paradoxalement, faciliter la création de règles unifiées. L’existence de modèles d’unification des règles de conflit dans le domaine des obligations contractuelles pourrait fournir d’intéressantes expériences de droit comparé66. On songe par exemple aux expériences européennes à travers d’abord la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, et ensuite le Règlement européen du 17 juin 2008 dit « Rome I » qui remplace ladite convention. Il existe également l’expérience américaine à travers la Convention interaméricaine sur les contrats internationaux de 1994. L’avant-projet d’acte uniforme portant sur le droit général des obligations dans l’espace OHADA du 15 avril 201567 rencontre adéquatement cette préoccupation. En effet, les articles 575 à 616 de l’avant-projet unifient les règles de conflit de lois des États de l’OHADA pour les obligations contractuelles et extracontractuelles. Outre la consécration du principe de la loi d’autonomie pour les obligations contractuelles (art. 575 (1) de l’avant-projet) et extracontractuelles (art. 599 de l’avant-projet), l’avant-projet fixe des règles de rattachement subsidiaires et objectives pour toute une série de contrats et de types de dommages. Lorsque les rattachements spécifiques ne sont pas applicables en matière contractuelle, le rattachement retenu est celui du « pays dans lequel le débiteur qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle » (art. 576 (2) de l’avant-projet). En matière extracontractuelle, le rattachement général est celui du lieu du dommage (art. 590 de l’avant-projet). Tous ces rattachements sont encadrés par des clauses d’exception (art. 576 (3) et (4) pour les contrats et art. 590 (3) pour les obligations extracontractuelles) qui consacrent le principe de proximité68. Si l’avant-projet est adopté, il concrétisera une unification des règles de conflit de lois dans des domaines essentiels du droit uniforme69. Cela constituerait un progrès considérable mais ne réaliserait pas pour autant un système OHADA de droit international privé. 32. Règles de conflit de lois et système de droit international privé. Un système de droit international privé n’est, en effet, pas exclusivement constitué de règles spéciales de rattachement. Ces règles spéciales de rattachement doivent s’intégrer au sein de principes et méthodes constituant la partie générale des conflits de lois. On songe par exemple aux méthodes de coordination des systèmes de conflit afin de contribuer à l’harmonie internationale des solutions ou encore à la question de la délimitation, et parfois de la coordination, de règles matérielles différentes partiellement applicables à une situation. Un système de droit international privé doit aussi concrétiser son ordre public au sens du droit international privé de façon à constituer, pour ce qui concerne un système juridique commun ou communautaire, un ordre public commun ou communautaire. Cet ordre public n’a certes pas pour effet de neutraliser les ordres publics nationaux dans le règlement des conflits de lois, mais il permet cependant de donner à ces derniers une formulation uniforme70 et d’exiger qu’ils soient conformes aux principes et valeurs qui fondent l’ordre juridique commun ou communautaire. Dans les systèmes de droit unifié fortement judiciarisés – comme dans le système européen –, cet ordre public est fondé sur les objectifs recherchés par le droit communautaire, à savoir la lutte contre les entraves aux libertés de circulation, et par le respect des droits humains. Le premier objectif est absent du système OHADA, qui ne vise pas à réaliser un espace de liberté de circulation. L’objectif fondamental du droit OHADA est la sécurité juridique et judiciaire des activités économiques71. En conséquence de cet objectif, le droit OHADA a un objet limité de sorte que l’ordre public commun aux États de l’OHADA ne pourrait pratiquement être construit que par rapport aux seules dispositions qui sont contenues dans les actes uniformes. Or, les actes uniformes ont tous pour objet soit de régir des relations d’affaires (par exemple, certains contrats commerciaux, procédures collectives, sûretés), soit d’établir le régime juridique des principaux acteurs commerciaux (sociétés commerciales notamment). L’ordre public OHADA ne pourrait donc être construit qu’en conférant un caractère d’ordre public international – ou en constituant en lois de police – à certaines dispositions du droit uniforme. Le second objectif – le respect des droits humains – n’est nulle part mentionné dans le droit OHADA, ni dans le traité, ni dans les actes uniformes. Dès lors, sauf à défendre une conception extensive de l’ordre public OHADA qui y inclurait la protection des droits fondamentaux72, l’ordre public commun de l’OHADA ne pourrait être limité qu’à quelques principes comme la stabilité de la règle de droit, la consécration de la force obligatoire des actes normatifs individuels et la primauté du droit par rapport aux autres modes de régulation de la vie sociale et économique. Alors que l’Union européenne a pu intégrer les principes et règles issus de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe (tels qu’interprétés par la Cour européenne de Strasbourg pour en faire une partie de l’ordre public communautaire avant de leur conférer une force normative propre par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui a acquis une force juridique contraignante depuis le Traité de Lisbonne de 2007), l’OHADA ne dispose pas d’un tel référentiel jurisprudentiel dans la mesure où la protection judiciaire des droits humains en Afrique, que ce soit au plan continental ou régional, est à un stade très peu avancé73. Il suffit pour s’en convaincre de constater le peu d’intérêt que les États accordent aux recommandations ainsi qu’aux principes et lignes directrices édictés par la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples pour assurer la jouissance des droits, notamment économiques, sociaux et culturels contenus dans la Charte africaine de droits de l’Homme et des Peuples74 ainsi que le caractère relativement récent de la « judiciarisation » du contentieux des droits humains au plan continental et régional75. Or, les textes garantissant les droits humains n’ont aucune effectivité si leur portée et leur efficacité ne sont pas assurées de façon forte par des institutions en particulier judiciaires dont l’autorité et la légitimité sont incontestées. On mesure ici combien la question des droits humains est transversale et que, d’une certaine manière, il paraît quelque peu illusoire de créer un système juridique portant sur le droit des affaires de nature à créer la sécurité juridique sans poser la question fondamentale de l’État de droit. La sécurité juridique repose certes sur la qualité des normes juridiques régissant les relations d’affaires, mais aussi et surtout sur le respect du droit – et le respect ou le non-respect des droits humains constitue à cet égard un indice fondamental – par les institutions publiques juridictionnelles et non juridictionnelles ainsi que par les acteurs économiques et sociaux76. À cet égard, les violations massives et répétées des droits humains à l’égard des personnes, voire de groupes de personnes appréhendés collectivement, dans nombre d’États de l’OHADA, font planer une réelle incertitude sur la possibilité de réaliser la sécurité juridique des relations d’affaires sans poser la question fondamentale du respect des droits humains et, au-delà, de l’État de droit. 33. Conclusion. Le système juridique de l’OHADA a, à l’instar d’autres systèmes juridiques communs ou communautaires, entendu fixer la sphère d’applicabilité des normes qu’il édicte. Il l’a fait, au moyen de règles d’applicabilité qui couvrent un certain nombre de situations et de relations régies par le droit uniforme. Ces règles, si elles ont le mérite de permettre dans l’espace de l’OHADA l’application uniforme du droit uniforme, ne peuvent, cependant, pas être perçues comme constituant un système de droit international privé complet qui réglerait intégralement la problématique de l’application spatiale du droit uniforme africain. En effet, elles laissent ouverte la question du droit applicable aux situations non couvertes par lesdites règles. Elles ne règlent pas davantage la question du droit applicable aux situations couvertes par le droit uniforme dans l’hypothèse où celui-ci ne régit pas l’intégralité de la situation couverte. On constate ainsi que les règles d’applicabilité du droit uniforme ne rendent pas inutiles des règles de conflit de lois qui permettraient de les compléter. Ceci est encore plus nécessaire dans un espace où le droit international privé des États membres, notamment en ce qui concerne les relations contractuelles, est incertain et lacunaire. La sécurité juridique qui constitue l’un des objectifs essentiels de l’OHADA s’en trouverait renforcée. C’est la raison pour laquelle on ne peut que souhaiter l’adoption de l’avant-projet d’acte uniforme relatif aux obligations qui, dans la partie spécifique qu’il consacre aux règles de conflit de lois, remplirait adéquatement cette fonction de sécurisation des relations juridiques, en particulier contractuelles. Footnotes 1 Gatsi, J. (sous la dir. de), L’effectivité du droit OHADA, Yaoundé, P.U.A., 2006 ; Meyer, P., La sécurité juridique et judiciaire dans l’espace OHADA, Rec. Penant, 2006, p. 151 et sqq. ; Lohoues-Oble, J., L’apparition d’un droit international des affaires en Afrique, Rev. int. dr. comp. 1999, p. 543 et sqq. ; Pougoué, P.-G., Notion de droit OHADA, in Encyclopédie du droit OHADA, Paris, Lamy, 2011, p. 1203 et sqq. ; Sawadogo, F.-M., La prise en compte du droit comparé dans l’œuvre d’unification de l’OHADA, Rev. dr. int. et dr. comp. 2008, p. 307 et sqq. 2 Sur cette question, voy. Ba, D., Le problème de la compatibilité entre l’UEMOA et l’OHADA, in La libéralisation de l’économie dans le cadre de l’intégration régionale, Actes du Colloque de Ouagadougou, 16 et 17 décembre 1999, Publication du CEEI, no 3, p. 14 et sqq. ; Boumakani, B., La coexistence de la Cour commune de justice de l’OHADA et de la Cour de justice de la Cemac, Bilan et perspectives in Sensibilisation au droit communautaire et à l’intégration dans la zone Cemac, Actes du séminaire sous-régional, Libreville, 2-6 novembre 2004, Paris, Éd. 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Bibliothèque de droit privé, t. 543) ; Actes uniformes et conflits de lois, Encyclopédie du droit OHADA, Paris, Lamy, 2011, p. 174 et sqq. 5 Cela pourrait cependant évoluer si l’avant-projet d’acte uniforme portant droit général des obligations, élaboré sous l’égide de la Fondation pour le droit continental (2015), était adopté. En effet, cet avant-projet contient un ensemble de règles de conflit de lois portant sur les obligations contractuelles et extracontractuelles (art. 566 à 616 de l’avant-projet). Voy. infra, no 31. 6 Ainsi, par exemple, le droit de la vente commerciale pour les États parties à la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises du 11 avril 1980. 7 Sur la portée abrogatoire du droit uniforme, voy. Issa-Sayegh, J., La portée abrogatoire des actes uniformes de l’OHADA sur le droit interne des États parties, Revue burkinabè de droit 2001, p. 51 et sqq. 8 Sur le droit uniforme et le droit international privé, voy. Ferrari, F., La Convention de Vienne sur la vente internationale et le droit international privé, J.D.I. 2006, p. 27 et sqq. ; Franck, S., L’applicabilité du droit communautaire dérivé au regard des méthodes du droit international privé, Bruxelles, Bruylant, 2005, spéc. p. 100 et sqq. ; Lagarde, P., Le champ d’application dans l’espace des règles uniformes de droit privé matériel, Travaux et recherches de l’Institut de droit comparé de Paris, XXXIII, Études de droit contemporain, Paris, Les Éd. de l’Épargne, 1970, p. 149 et sqq. ; Malintoppi, A., Les rapports entre le droit uniforme et le droit international privé, R.C.A.D.I. 1965, III, p. 5 et sqq. ; von Overbeck, A.E., Le champ d’application des règles de conflit ou de droit matériel uniforme prévues par des traités, Ann. Int. dr. Int., vol. 58, (1979-1), p. 176 et sqq. ; Pamboukis, Ch. P., Droit international privé holistique : droit uniforme et droit international privé, R.C.A.D.I. 2007, t. 330, p. 9 et sqq. ; Rigaux, F. et Verwilghen, M., Le champ d’application dans l’espace des règles uniformes de droit privé matériel, Rapports belges au VIIIe Congrès de droit comparé, Pescara, 29 août-5 septembre, Bruxelles, CIDC, tome 7, 1970, p. 217 et sqq. ; Stalev, J., Droit uniforme et droit international privé, in Études Rodière, 1981, p. 311 et sqq. ; von Overbeck, A.E., Les règles de droit international privé matériel, Mél. Kollewijn et Offerhaus, 1962, p. 362 et sqq. 9 Art. 1er de la Convention. 10 Sur la définition des règles d’applicabilité, voy. Rigaux, F. et Fallon, M., Droit international privé, Bruxelles, Larcier, 2005, p. 129. 11 Voy. le commentaire sous l’art. 1er de l’acte uniforme du 15 décembre 2010 portant sur le droit commercial général, in Traité et actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 2016, p. 243. 12 Voy. ci-dessous, no 9. 13 Voy. ci-dessous no 9. 14 Voy. supra no 6. 15 NGoumtsa Anou, G., Actes uniformes et conflits de lois, op. cit., p. 191. 16 Il en était de même de l’acte uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de l’arbitrage. 17 Meyer, P., Droit de l’arbitrage, Bruxelles, Bruylant, 2002, Coll. Droit uniforme africain, p. 59 et sqq.; Kauffmann-Kohler, G., Le lieu de l’arbitrage à l’aune de la mondialisation, Réflexions à propos de deux formes récentes d’arbitrage, Rev. Arb. 1998, p. 517 et sqq. 18 CCJA, arrêt no 20, 6 décembre 2011, OHADAta, J -13-164. 19 Articles 1er et 3 de l’acte uniforme du 15 décembre 2010 relatif au droit des sociétés coopératives. 20 Article 2 de l’acte uniforme du 26 janvier 2017 relatif au droit comptable et à l’information financière. 21 Voy. une explication de ce type pour les lois intervenues dans certains États en matière de statut personnel, notamment pour les partenariats enregistrés : Romano, G.P., La bilatéralité éclipsée par l’autorité : développements récents en matière d’état des personnes, Rev . cr. dr. int. pr. 2006, p. 457 et sqq. , spéc. p. 507 et sqq. 22 Ngoumtsa Anou, G., Actes uniformes et conflit de lois, p. 193. 23 Voy. infra, no 26 et sqq. 24 Ngoumtsa Anou, G., Actes uniformes et conflits de lois, op. cit, p. 193. 25 Voy. supra no 6. 26 Ngoumtsa Anou, G., Actes uniformes et conflits de lois, op. cit, p. 191 ; Droit OHADA et conflit de lois, op.cit. p. 332 et sqq. 27 Voy. supra no 11. 28 Ngoumtsa Anou, G., Actes uniformes et conflits de lois, op. cit, pp. 204-205. 29 Sur les lois de police, voy. Francescakis, Ph., Quelques précisions sur les lois d’application immédiate et leurs rapports avec les règles de conflit de lois, Rev. cr. Dr. Int. pr. 1966, p. 1 et sqq. ; Y a-t-il du nouveau en matière d’ordre public ?, Trav. Com. fr. dr. int. pr. 1966-69, p. 143 et sqq. ; Idot, L., Les conflit de lois en droit de la concurrence, J.D.I. 1995, p. 321 et sqq. ; Jacquet, J.-M., La norme juridique extraterritoriale dans le commerce international, Rev. cr. dr. Int. pr. 1985, p. 327 et sqq. ; Mayer, P., Les lois de police étrangères, J.D.I. 1981, p. 277 et sqq. ; Nuyts, A., L’application des lois de police dans l’espace (Réflexions au départ du droit belge de la distribution commerciale et du droit communautaire), Rev. cr. Dr. Int. pr. 1999, p. 31 et sqq. et p. 245 et sqq. ; De Vareilles-Sommière, P., Lois de police et politiques législatives, Rev. cr. dr. int. pr. 2011, p. 207 et sqq. 30 Nuyts, A., L’application des lois de police dans l’espace (Réflexions au départ du droit belge de la distribution commerciale et du droit communautaire), Rev. cr. Dr. Int. pr. 1999, op. cit., p. 31 et sqq. et p. 245 et sqq. 31 Voy. Francq, S., L’applicabilité du droit communautaire dérivé au regard des méthodes du droit international privé, Bruxelles, Bruylant, 2005. 32 Voy. supra no 9. 33 Voy. ci-dessus, n o 11. 34 Il en serait en effet autrement dans un système conflictualiste unilatéraliste puisque le droit étranger y est appliqué selon la sphère d’applicabilité qu’il s’est conféré. 35 Voy. dans l’Union européenne les art. 7 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles et 9 du Règlement (CE) 593/2008 du 17 juin 2008 dit « Rome I » qui a remplacé la Convention de Rome. 36 Voy. par exemple l’article 1er de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises. On a mentionné que certaines règles d’applicabilité de ces conventions avaient inspiré les rédacteurs des actes uniformes. Ainsi en matière de vente commerciale et de transport. 37 Voy. par exemple les Conventions de Genève du 7 juin 1930 portant loi uniforme en matière de lettre de change et de billet à ordre et du 19 mars 1931 en matière de chèque. 38 Voy. supra, note 5. 39 Voy. Heuze, V., La réglementation française des contrats internationaux, Éd. G.L.N. 1990, spéc. p. 144 et sqq. et p. 264 et sqq. 40 En droit européen, voy. l’art. 3.1 du Règlement dit de Rome I qui dispose que « le contrat est régi par la loi choisie par les parties… ». Dans le droit interaméricain, voy. l’art.7 de la Convention de Mexico du 17 mars 1994 sur la loi applicable aux contrats internationaux qui est identique à l’art. 3.1 du Règlement de Rome I. 41 Niboyet, M.-L. et de Geouffre de La Pradelle, G., Droit international privé, Paris, L.G.D.J. 2015, no 101. 42 Sur cette disposition, voy. Pougoué, P.-G. et Ngoumtsa Anou, G., L’applicabilité spatiale du nouveau droit OHADA de la vente commerciale et le droit international privé : une réforme inachevée, Mél. Jean-Michel Jacquet, LexisNexis, 2014, p. 541 et sqq. 43 Voy. supra no 9 et 10. 44 Et peut-être, en ce qui concerne spécifiquement l’intermédiation commerciale, à la qualification de lois de police de certaines règles régissant cette activité au regard de l’enjeu économique qu’elles portent. 45 Pour un commentaire de cette disposition, voy. Meyer, P., in OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés, Juriscope 2016, p. 169 et sqq. 46 Sur la notion d’ordre public international dans le droit de l’arbitrage OHADA mais qui peut être étendu à tout le système juridique OHADA, voy. Meyer, P., Traité et actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 2016, p. 179 et sqq. ; Assi Assepo, E., L’ordre public international dans l’acte uniforme de l’OHADA relatif à l’arbitrage, Rev. Arb. 2007, p. 753 et sqq. ; Bebohi Ebongo, S.I., L’ordre public international des États parties à l’OHADA, Rev. Camerounaise de l’arbitrage, 2006, p. 3 et sqq. 47 Sur cette question en droit OHADA de l’arbitrage, voy. Jacquet, J.-M., Le droit applicable au fond du litige dans l’arbitrage OHADA, in L’OHADA et les perspectives de l’arbitrage en Afrique, Travaux du Centre René-Jean Dupuy pour le droit et le développement, Bruxelles, Bruylant 2000, p. 197 et sqq. ; Meyer, P., Traité et actes uniformes commentés et annotés, op. cit., p. 169 et sqq. ; Ngoumtsa Anou, G., Droit OHADA et conflit de lois, op. cit., p. 144 et sqq. ; Pougoué, P.-G., Tchakoua, J.-M., Fénéon, A ., Droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA, P.U.A., Yaoundé 2000, pp. 24-26 et 120 et sqq. 48 À propos de l’article 1er, jadis de la Convention de Rome du 25 juin 1980 et aujourd’hui du Règlement de Rome I, voy. en ce sens Lagarde, P., Le nouveau droit international privé des contrats après l’entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980, Rev. cr. Dr. Int. privé, 1991, p. 287 et sqq., spéc. p. 294. 49 Voy. supra no 13. 50 Sur l’attribution de la nationalité à une société par l’État qui lui a conféré la personnalité juridique, voy. Mayer, P. et Heuze, V., Droit international privé, Paris, Montchrestien, 2014, no 1047 et les réf. citées, not. l’étude de Mazeaud, L. (De la nationalité des sociétés, J.D.I. 1928, p. 30 et sqq.) qui affirme explicitement que « Personne [ayant la qualité de personne morale] selon la loi d’un Etat, la société ne peut être nationale d’un autre Etat ». 51 Voy. pour une disposition similaire de droit français, Batiffol, H. et Lagarde, P., Droit international privé, Paris, L.G.D.J., t. 1, 1993, pp. 333-334 ; Mayer, P. et Heuze, V., Droit international privé, op.cit., no 1045 ; Niboyet, M.-L. et de Geouffre de La Pradelle, G., Droit international privé, op.cit., no 1110 et sqq. 52 Pour une analyse des lois de police applicables aux sociétés commerciales dans le droit OHADA, voy. Ngoumtsa Anou, G., Droit OHADA et conflit de lois, op. cit., p. 241 et sqq. ; Actes uniformes et conflits de lois, op. cit, pp. 204-205. 53 Voy. supra no 18. 54 Voy. supra no 9, 10 et 21. 55 Voy. supra no 4. 56 Loi du 19 juillet 1972 portant sur l’adoption de la première partie du Code civil. 57 Art. 840 et sqq. de la loi 72-61 du 12 juin 1972 portant sur le Code de la famille. 58 Code de la famille du 29 juin 2012. 59 Art. 819 et sqq. de la loi 073/84 du 17 octobre 1984 portant sur le Code de la famille. 60 Art. 988 et sqq. de la Zatu An VII-13 du 16 novembre 1989 portant sur l’institution d’un Code des personnes et de la famille. 61 Art. 962 et sqq. de la loi n°2002-07 du 24 août 2004 portant sur le Code des personnes et de la famille. 62 Voy. supra no 21. 63 En réalité, la codification gabonaise du droit international privé s’inspire très largement d’un projet de codification du droit international privé français – le projet élaboré par le professeur Niboyet – qui n’a jamais abouti en France mais qui, curieusement, a fourni l’essentiel de la codification au Gabon. Voy. Bourel, P., commentaire sous les articles 25 et sqq. de la loi du 29 juillet 1972 portant sur l’adoption de la première partie du Code civil, Rev . crit. dr. int. pr. 1974, p. 844 et sqq. 64 La présentation faite par les auteurs de l’avant-projet d’acte uniforme portant sur le régime général des obligations relève, très justement, que « l’une des premières attentes des investisseurs nationaux comme étrangers est bien une grande prévisibilité de la loi applicable au fond du litige » et en conclut « qu’il est hautement sécurisant que les règles de conflit de lois en vigueur dans les États membres désignent la même loi nationale quel que soit le pays dans lequel l’action est introduite » (rapport de présentation, p. 6). Sur l’utilité de règles de conflit de lois communes en matière contractuelle pour les États de l’OHADA, voy. Ngoumtsa Anou, G., Droit OHADA et conflit de lois, op. cit. , p. 368 et sqq. 65 Voy. supra no 14. 66 Le droit OHADA a toujours fait une large place au droit comparé dans l’élaboration de ses règles. Le rapport de présentation de l’avant-projet d’acte uniforme portant sur le régime général des obligations mentionne d’ailleurs que le titre IV de l’avant-projet, qui comprend les dispositions sur les conflits de lois, « s’inspire aussi des tentatives d’harmonisation des règles de conflit en matière d’obligations en Europe (Règlement (CE) no 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II »), Règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (« Rome I »)) et du droit comparé » (p. 24). 67 Sur cet avant-projet, voy. supra, note no 5. 68 Sur les clauses d’exception, voy. Dubler, César E., Les clauses d’exception en droit international privé, Genève, Georg, Libr. de l’Université, 1983 ; Bodenes-Constantin, A., La codification du droit international privé français, Éd. Defrénois, 2005 ; Remy-Cordonnier, P., Mise en œuvre et régime procédural de la clause d’exception dans les conflits de lois, Rev. cr. dr. int. pr. 2003, p. 37 et sqq. 69 Il resterait toutefois le droit international privé des sûretés qui n’est ni unifié, ni même couvert pas des règles d’applicabilité du droit uniforme. 70 Comme en témoignent les règlements européens de conflit de lois qui ont maintenu l’exception d’ordre public national, Voy. p. ex. l’art. 21 du Règlement no 593/2008 du 13 juin 2008 (dit « Rome I ») sur la loi applicable aux obligations contractuelles et 26 du Règlement 864/2007 du 11 juillet 2007 (dit « Rome II ») sur la loi applicable aux obligations non contractuelles. 71 Sur cet objectif du droit OHADA, voy. Issa-Sayegh, J., L’intégration juridique des États africains de la zone franc, Rec. Penant, 1997, no 823, p. 5 et sqq., no 824, p. 125 et sqq. ; Kirsch, M., Historique de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, Rec. Penant, 1998, no 827, spécial OHADA, p. 129 et sqq. ; Lohoues-Oble, J., L’apparition d’un droit international des affaires en Afrique, Rev. int. dr. comp., 1999, p. 543 et sqq. ; Mbaye, K., avant-propos, Rec. Penant, no 827, spécial OHADA, p. 125 et sqq. ; Yarga, L., L’OHADA, ses institutions et ses mécanismes de fonctionnement, Revue burkinabè de droit no 39-40, no spécial, 2001, p. 29 et sqq. 72 En ce sens, voy. Ngoumtsa Anou, G., Droit OHADA et conflit de lois, op. cit., p. 210 et sqq. ; Actes uniformes et conflit de lois, op.cit., no 213 et sqq. 73 Voy. cependant, au plan continental, Löfelmann, M., Recent jurisprudence of the African Court on Human and Peoples’ Rights, Developments 2014 to 2016, GIZ (German cooperation), Arusha, 2016. Pour la CEDEAO, voy. Ndiaye, M., La protection des droits de l’Homme par la Cour de Justice de la CEDEAO, Mémoire de Master II, Master interdisciplinaire Dynamiques africaines, Universités de Bordeaux III et IV, IEP de Bordeaux, 2014. 74 Voy. p. ex. Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples, Principes et lignes directrices sur la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels dans la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples, 24 /10/2011, p. 8, no 1, www.achpr.org/fr/instruments/economic-social-cultural. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les observations finales portant sur les rapports périodiques présentés par les différents États membres de l’OHADA à la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples. À titre illustratif, voy. les observations finales sur le 3e rapport périodique du Cameroun adopté en 2014 (15e session extraordinaire, 14-17 mars 2014, Banjul), en particulier les points III (« Facteurs limitant la jouissance des droits garantis par la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples») et IV (« Domaines de préoccupation ») des observations. 75 S’agissant de la construction d’un ordre public régional qui inclut explicitement la protection des droits de la personne humaine – ainsi que les entraves à la libre circulation des personnes –, la situation pourrait être bien davantage porteuse d’espoir dans des organisations d’intégration régionale comme la CEDEAO que dans l’OHADA, pour ne prendre que l’exemple de l’Afrique de l’ouest. En effet, les compétences confiées à la Cour de justice de la CEDEAO, à savoir du contentieux de la violation des droits garantis par la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples, des protocoles et plus généralement du droit international des droits de l’Homme, sur saisine des personnes privées (personnes physiques ou associations), permettent de penser qu’à terme, si la Cour est fréquemment saisie et qu’elle remplit adéquatement sa fonction, un ordre public régional ouest-africain qui inclut cette dimension essentielle du droit pourrait être construit par la juridiction régionale. Sur la question des ordres publics « régionaux » ou « communautaires » en Afrique de l’ouest, voy. Meyer, P., Droit international privé burkinabè et comparé, Ouagadougou, Éd. Maison du droit, 2017, p. 359 et sqq. 76 Voy. Benkemoun, L., Sécurité juridique et investissements internationaux, Rec. Penant 2006, p. 193 et sqq. Il est justement relevé que « lorsque la guerre civile couve ou règne, que la corruption, l’impéritie et l’impunité sévissent, que l’arbitraire administratif et judiciaire se donne libre cours, les meilleures normes du monde n’inciteront pas à investir… » (p. 197). © The Author(s) (2018). Published by Oxford University Press on behalf of Unidroit. All rights reserved. For Permissions, please email journals.permissions@oup.com This article is published and distributed under the terms of the Oxford University Press, Standard Journals Publication Model (https://academic.oup.com/journals/pages/about_us/legal/notices)

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Uniform Law Review/Revue De Droit UniformeOxford University Press

Published: Feb 28, 2018

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